La blogosphère québécoise est en émoi ces jours-ci. Un blogueur de Sainte-Adèle a reçu la semaine dernière une mise en demeure de la municipalité l'exhortant à cesser de diffuser des propos «libelleux et diffamatoires» à l'endroit des élus.

La blogosphère québécoise est en émoi ces jours-ci. Un blogueur de Sainte-Adèle a reçu la semaine dernière une mise en demeure de la municipalité l'exhortant à cesser de diffuser des propos «libelleux et diffamatoires» à l'endroit des élus.

C'est André Bérard et son carnet «Blogue-Notes» qui se retrouvent au centre de cette affaire. L'homme de Sainte-Adèle y commente l'actualité locale en plus d'y relater ses états d'âme.

Mais certains commentaires laissés par les internautes en réaction aux propos d'André Bérard n'ont pas plu à l'administration municipale, notamment un commentaire dont le titre est «Bandit en cravate».

Une mise en demeure datée du 24 novembre a été acheminée à André Bérard. Elle a été suivie d'une précision sur les commentaires jugés diffamatoires.

«Je ne comprends pas pourquoi le maire n'a pas appelé pour m'en parler, dit André Bérard. Je l'ai invité à multiples reprises à travers mes billets à s'exprimer. Il ne m'a jamais appelé, envoyé une lettre ou convoqué. Je n'avais aucune idée qu'il trouvait certains propos diffamatoires.»

Le porte-parole de la ville de Sainte-Adèle dans cette affaire affirme que ce n'est pas l'ensemble du blogue qui est jugé problématique, mais bien certains commentaires précis qui visent le maire, Jean-Paul Cardinal, et ses conseillers.

«Il y a des commentaires sur le blogue qui laissent entendre qu'il y a fraude, patronage et achat du silence des médias. Et ça, c'est complètement faux et diffamatoire. C'est de ça dont il s'agit : c'est quand ça dépasse la simple liberté d'expression pour tomber dans la diffamation», dit Pierre Hurtubise.

De mémoire de l'avocat Mark Bantey, spécialisé en droit des médias, il n'y a jamais eu de mise en demeure semblable à l'endroit de blogueurs au Québec.

«Ça ne me surprend pas, dit-il. Les mêmes règles s'appliquent à des blogueurs qu'à des journalistes ou n'importe qui. Il y a certains blogueurs qui croient qu'ils bénéficient de l'immunité, mais ce n'est pas vrai.»

Mark Bantey précise que si le blogueur a le pouvoir de modérer les commentaires qui se retrouvent sur son site, il peut en être tenu responsable.

«Dans la mesure où il contrôle les réponses, il a une certaine responsabilité. Mais le site [dans ce cas-ci Blogger, propriété de Google] n'a aucune responsabilité. La jurisprudence est pas mal claire là-dessus. Mais la personne qui surveille le site, dans ce cas-ci le blogueur, peut-être tenue responsable des réponses qu'elle reçoit», dit Mark Bantey.

Cet avis est partagé par un autre avocat consulté par Technaute, qui a demandé à garder l'anonymat.

Il affirme qu'il n'y a pas de jurisprudence concernant spécifiquement la diffamation sur les blogues au Québec, mais que lorsqu'il est question de diffamation, les mêmes règles s'appliquent à tous les médias.

L'anonymat ne garantit rien

L'avocat Mark Bantley va plus loin et affirme que les gens dont les commentaires sont visés par la mise en demeure pourraient éventuellement être tenus responsables de leurs propos.

«Le fait qu'une personne est anonyme ne garantit rien. C'est souvent difficile de trouver l'identité mais on peut, par voie d'injonction, forcer le serveur à dévoiler l'identité de la personne qui écrit les propos.»

Dans un billet écrit vendredi soir dernier, André Bérard explique à ses lecteurs avoir retiré certaines parties des commentaires litigieux.

À un lecteur anonyme qui lui demande s'il recule, le blogueur explique: «Je dirais plutôt que je suis en train d'avancer et de passer à autre chose. L'administration municipale dispose de moyens que je n'ai pas. (…) En cas de poursuite, qui va assumer mes frais d'avocat?»

Aussi:

Le carnet Blogue-Notes

«Blogueurs» mis en demeure par Sainte-Adèle: censure et intimidation?: un article du journal régional l'Accès sur la question.