André Chagnon a longtemps fait sourire les observateurs de l'industrie des télécommunications. Dans les années 1970, le fondateur de Vidéotron proclamait haut et fort qu'il allait sortir Bell de toutes les chaumières du Québec. «Il faisait rire de lui», se rappelle Iain Grant, directeur de la firme Seaboard Group.

André Chagnon a longtemps fait sourire les observateurs de l'industrie des télécommunications. Dans les années 1970, le fondateur de Vidéotron proclamait haut et fort qu'il allait sortir Bell de toutes les chaumières du Québec. «Il faisait rire de lui», se rappelle Iain Grant, directeur de la firme Seaboard Group.

Aujourd'hui, plus personne ne rit de Vidéotron, vendu par la famille Chagnon à Quebecor et à la Caisse de dépôt en 2001. Le bébé de Claude Chagnon a grandi. Depuis l'an dernier, il se bat sur tous les fronts: téléphonie sans fil, téléphonie cellulaire, Internet, télévision.

Vidéotron veut hisser son drapeau dans les 2,9 millions de foyers du Québec. Mais Bell n'entend pas se rendre aussi facilement. «Notre stratégie est très simple: offrir des prix concurrentiels avec une technologie supérieure, dit Nicolas Gaudreau, vice-président du marketing de Bell au Québec. Nous offrons les meilleurs prix en tout temps peu importe le nombre de services. Nous croyons qu'une approche à la pièce offre plus de choix et de flexibilité. Pas besoin de tout prendre pour que ce soit avantageux.»

«Le marché attendait une alternative et notre approche par forfaits est un beau succès, dit Isabelle Dessureault, vice-président aux affaires corporatives de Vidéotron. C'est un avantage majeur pour nous. Près de 50 % de notre clientèle adhère au moins à deux produits. Au cours de la récente période des déménagements, cette tendance de fond s'est accentuée: 70 % de nos nouveaux clients ont adhéré à trois produits.»

Bell à l'unité, idéotron au forfait

Qui a raison ? Il faut sortir l'artillerie lourde: la calculatrice. À l'unité, Bell est généralement gagnant. À titre d'exemple, Internet haute vitesse se vend 32,95 $ par mois chez Bell contre 38,95 $ chez Vidéotron.

Vidéotron prend toutefois sa revanche lorsqu'il est question des forfaits. Ceux qui comprennent la téléphonie résidentielle, Internet et la télévision sont moins chers que chez le concurrent.

Bell offre des forfaits au même prix, mais le téléspectateur n'a que 60 chaînes de télévision contre 130 chaînes chez Vidéotron. La technologie bidirectionnelle de Vidéotron permet aussi le téléchargement de films à toute heure du jour et de la nuit, ce qui est impossible avec la technologie satellite de Bell.

Les forfaits quadruples -téléphonie résidentielle, téléphonie sans-fil (cellulaire), Internet et télévision- coûtent entre 89,95 $ et 155,95 $ par mois chez Vidéotron. Bell n'offre qu'un seul forfait à 124,70 $. Le consommateur devra donc évaluer ses besoins en téléphonie sans-fil avant d'arrêter son choix.

Selon la firme Seaboard Group, Vidéotron détient 80 % du marché de la télévision numérique et la moitié du marché de l'accès Internet au Québec. Par contre, la filiale de Quebecor Média ne détient pour le moment que 15 % du marché de la téléphonie. «Vidéotron a été très agressif récemment afin d'encourager les gens à changer de fournisseur de services de télécommunications», dit toutefois l'analyste Brian Sharwood

Au 30 septembre, Vidéotron comptait 1,5 million de clients en télédistribution, dont 585 000 clients en télévision numérique et 769 000 en service Internet. La société compte 344 000 abonnés en téléphonie. Elle ne dessert pas encore les régions de Trois-Rivières, des Laurentides, de Charlevoix et de l'Est du Québec (à partir de Rivière-du-Loup).

Pour des raisons concurrentielles, Bell ne dévoile pas ses parts de marché au Québec. Dans l'ensemble du Canada, la société a 5,7 clients en téléphonie sans-fil (Bell Mobilité), 2,4 millions d'internautes (Sympatico) et 1,8 million de clients en télévision par satellite (Express Vu).

Après la téléphonie, l'Internet

Comme ancien monopole, Bell est régi plus sévèrement que son rival québécois par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Mais Bell n'a pas que le CRTC à blâmer. La société a aussi ses torts. Dont celui d'avoir ouvert les hostilités en lançant le service de télédistribution Express Vu en 1995.

«Bell a surpris les câblodistributeurs en allant jouer dans leur jardin, dit Iain Grant, directeur de la firme Seaboard Group. Ceux-ci n'ont pas tardé à répliquer en utilisant leur technologie pour offrir des services de téléphonie. Les produits offerts par Vidéotron sont d'une qualité remarquable. Ils n'ont rien à envier à ceux de Bell.»

En 2005, Vidéotron a introduit la téléphonie numérique à la maison. En août dernier, la société s'est lancée dans la téléphonie sans-fil (cellulaire). «Bell et Vidéotron se livreront toute une guerre au cours de la prochaine année, dit M. Grant. Vidéotron a maintenant 500 000 abonnés en téléphonie alors que la société partait de rien du tout. C'est énorme comme progression.»

Qui en sortira gagnant ? Peu importe, le Seaboard Group s'attend à ce que la guerre de la téléphonie ne soit qu'un prélude à l'affrontement décisif sur Internet. «La téléphonie est le domaine le plus rentable actuellement mais les prix vont baisser, dit l'analyste Brian Sharwood. La clé sera de contrôler l'accès Internet. Vidéotron est clairement en avance en matière de vitesse de téléchargement. Elle a promis 50 megabits par seconde d'ici deux ans tandis que Bell parle de 25 megabits par seconde. Ce sera tout un défi pour Bell d'être compétitif car ses canaux de transmission actuels sont moins rapides.»

Misant sur la régularité et la fiabilité, Bell s'estime mieux nanti que Vidéotron dans le cyberespace. «Nous sommes les seuls à pouvoir offrir une vitesse constante sur notre réseau Internet Sympatico, dit Nicolas Gaudreau, de Bell. Les gens téléchargent des bandes vidéo et des films. Leur expérience ne peut pas être agréable si la vitesse du téléchargement n'est pas constante.»

Vidéotron trouve les prédictions du Seaboard Group un peu audacieuses. «Nous voyons les choses différemment, dit Isabelle Dussureault, de Vidéotron. La clé sera plutôt le bouquet de produits offerts. Mais si Internet devient si important, c'est tout de même une bonne nouvelle pour Vidéotron, le leader au Québec dans le domaine de l'accès Internet.»

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