Si l'écosystème Microsoft paraît unanime derrière l'éditeur pour applaudir à deux mains le rapprochement de Windows et SUSE Linux, la communauté Linux est plus circonspecte, même si elle salut la reconnaissance du système d'exploitation libre.

Si l'écosystème Microsoft paraît unanime derrière l'éditeur pour applaudir à deux mains le rapprochement de Windows et SUSE Linux, la communauté Linux est plus circonspecte, même si elle salut la reconnaissance du système d'exploitation libre.

Les réactions de l'industrie à l'accord signé entre Microsoft et Novell pour l'interopérabilité et le support de SUSE Linux avec Windows sont globalement positives. On le comprend car il intervient à un moment où la part «industrielle» de Linux et du code source libre se professionnalise.

Les fabricants de processeurs et PC, par exemple, sont soulagés. Paul Otellini, directeur général d'Intel note que «les clients veulent des solutions qui correspondent à leurs besoins propres. Et un meilleur niveau d'interopérabilité entre les logiciels leur permettra de faire les meilleurs choix.»

Hector Ruiz, PDG d'AMD (Advanced Micro Devices, le challenger d'Intel), le confirme: «Windows et Linux sont extrêmement importants pour nos entreprises clientes, et AMD les soutient respectivement. Cet accord entre Novell et Microsoft permet aux utilisateurs de réaliser un lien entre deux types de plates-formes jusque là peu compatibles et par là même, de bénéficier d'une plus grande flexibilité pour l'optimisation de solutions qui leur soient adaptées.»

«Nous sommes heureux de constater que Novell et Microsoft se sont entendus dans le but de satisfaire les attentes de leurs clients face à des systèmes d'exploitation et des environnements hétérogènes», affirme Kevin Kettler, directeur technologie de Dell.

Même tonalité chez SAP, où Shai Agassi , président de la division Product and Technology commente: «L'annonce d'aujourd'hui signifie que les clients pourraient désormais choisir leur système d'exploitation préféré à chacune des étapes de l'implémentation de leur plate-forme SAP avec la certitude que les deux systèmes auront une interopérabilité optimale et avec le support tant de SAP, Microsoft que Novell, ces deux derniers étant des partenaires privilégiés de SAP.»

Ces acteurs sont proches de Microsoft, c'est donc sans surprise qu'ils se félicitent d'un accord qui au final les soulage car Microsoft finalement reconnaît leur légitimité à distribuer du Linux...

Chez IBM, l'avis plus nuancé. Steve Mills, VP exécutif chez IBM Software, préfère évoquer les standards: «Le soutien apporté par Microsoft pour une interopérabilité de ses produits avec le standard ODF (Open Document Format) est une très bonne nouvelle. Les documents code source libre offrent plus de choix aux utilisateurs et permettent un regain de créativité dans toute notre industrie, ouvrant la voie à l'apparition de toute une nouvelle génération d'applications innovantes. Nous continuons d'être convaincus que l'interopérabilité et le choix des solutions sont les principales attentes et revendications des utilisateurs.»

Une vision qui laisse Red Hat, le concurrent de Novell, plutôt sceptique. « Les standards ouverts créent l'interopérabilité que tout le monde peut implémenter. C'est la bonne solution. Et ils ne nécessite pas un accord entre deux sociétés.» Ce qui n'a pas empêché OpenOffice.org, l'organisme en charge du format bureautique ouvert, de souhaiter la bienvenue à l'accord !

Du côté de la communauté, les avis sont plus nuancés, donc, et on le comprend bien. Certes on souligne massivement la reconnaissance de Linux – enfin ! – par Microsoft. Rappelons qu'il n'y a pas si longtemps, Steve Ballmer avait qualifié Linux de «cancer»! Red Hat en particulier qualifie l'accord de «victoire pour tous les vendeurs de Linux. C'est la reconnaissance de la meilleure technologie. Ce qui signifie que Linux a gagné.»

En revanche, Novell apparaît pour les irréductibles défenseurs d'une certaine idée communautaire du code source libre comme le vilain petit canard! «Impensable», affirme encore une fois Red Hat.

Mise au point, atténuation...

Mais surtout, passé l'effet d'annonce, les analystes relativisent aujourd'hui l'accord.

Tout d'abord, Microsoft ne supporte pas SUSE Linux. Il orientera ses clients qui veulent installer du Linux sur l'OS de Novell et leur fournira des «billets de support» qu'il aura acquis auprès de ce dernier. Sans plus !

Ensuite, Microsoft n'a en aucun cas indiqué qu'il adoptait l'ensemble de l'écosystème Linux.

«Ce qui change, l'élément le plus important, c'est que nous avons lancé le mécanisme pour établir un pont entre nous. En particulier sur le sujet de la licence GPL», nous rappelle Bernard Ourghanlian, directeur technologie et sécurité de Microsoft France, que nous avons interviewé.

Enfin, la partie de l'accord liée aux brevets: Microsoft et Novell se sont engagés à ouvrir et partager leurs portefeuilles de brevets en s'interdisant toute poursuite. Ce volet laisse trop de zones d'ombre pour ne pas inquiéter la communauté de code source libre, qui le qualifie de «menace» via un risque de «taxe à l'innovation».

Il reste à un géant du marché, Oracle, à s'exprimer. Mais ne l'a-t-il pas déjà fait avant l'annonce de l'accord entre Microsoft et Novell? En lançant la guerre des prix sur le support de Linux en annonçant une tarification inférieure de moitié à celle de Red Hat, il a pris position.

Mais surtout, Oracle rappelle que Linux est entré dans la cour des grands de l'industrie, et qu'avec une approche professionnelle, ce système d'exploitation est devenu entre les mains des Novell, Red Hat ou IBM un produit de consommation qui échappe à la communauté, ce qui relativise singulièrement l'accord d'interopérabilité entre Windows et SUSE Linux, et en fait plus qu'un accord technologique entre industriels.

Réagissez! Mariage Windows-Linux: une révolution?

Aussi:

Windows et Linux pourront se parler

Deux mondes antagonistes se rapprochent

Microsoft-Novell: «nous apportons la paix»

Microsoft-Novell: une bonne nouvelle?

Microsoft-Novell: un volet technologique riche