Montréal est l'hôte jusqu'à demain du Future of Music Policy Summit, un forum qui se penche sur l'avenir de la musique à l'ère du numérique. Les sommités en la matière sont au rendez-vous, dont David Byrne, l'ex-Talking Head.

Montréal est l'hôte jusqu'à demain du Future of Music Policy Summit, un forum qui se penche sur l'avenir de la musique à l'ère du numérique. Les sommités en la matière sont au rendez-vous, dont David Byrne, l'ex-Talking Head.

La vente de disques au détail est en voie d'extinction, les artistes indépendants pourront mieux gagner leur vie dans un contexte numérique, les plus puissantes compagnies de disques se concentreront essentiellement sur les pop stars. Voilà essentiellement ce que le célébrissime David Byrne a soutenu hier à l'Université McGill.

Invité à prendre la parole au Future of Music Policy Summit qui se tient pour la première fois à Montréal (jusqu'à demain) en six années d'existence, l'ex-Talking Heads a présenté sa vision de l'avenir de la musique dans un contexte numérique, avec pour thème Les maisons de disques : qui en a besoin ? «La question, a-t-il souligné d'entrée, pourrait mener à croire qu'il faut se débarrasser des compagnies de disques. Ce n'est pas exactement ce que je veux signifier, bien que... les choses changent très rapidement.»

Parmi les signes annonciateurs de changement, Byrne a rappelé que des artistes comme Ani Di Franco ou Fugazi ont fondé leur propre compagnie de disques, estimant ne plus avoir besoin des majors. Que Radiohead n'est pas sous contrat avec une compagnie de disques. Lui-même est associé à la prestigieuse Nonesuch (Warner Music), il a aussi fondé Luaka Bop, une étiquette indépendante avec laquelle il n'est plus associé.

«Tout cela m'a procuré une expérience qui m'a permis de comprendre les dessous de l'industrie de la musique», soutient cet artiste visionnaire, une des premières vedettes à avoir opté pour le modèle Creative Commons, droit d'auteur adapté au contexte numérique. «Plusieurs acteurs de l'industrie de la musique, particulièrement les étiquettes importantes, ont réprouvé ce modèle sans le comprendre vraiment. Pourtant, certaines dispositions de Creative Commons protègent encore mieux l'artiste que la forme traditionnelle du droit d'auteur.»

David Byrne a en outre rappelé que, traditionnellement, les étiquettes de disques ont joué le rôle d'une banque auprès des artistes. Elles financent l'enregistrement et la réalisation de leurs disques, sans compter la fabrication, la promotion, la distribution et le soutien aux tournées. «Tout ça ne tient plus la route, pense-t-il. De la fenêtre de mon appartement à New York, je vois disparaître les magasins de disques. Je prévois leur disparition d'ici... 5 ans. Peut-être cela prendra-t-il un peu plus de temps...»

Pour appuyer son affirmation, David Byrne a indiqué que 1200 magasins de disques ont fermé leurs portes au cours des deux dernières années. «Sam Goodies a pratiquement disparu à New York, Tower Records est en faillite. Les grandes surfaces (WalMart, Best-Buy, etc.) maintiendront probablement leurs sections de disques... Personnellement, je préfère acheter en ligne ou consommer chez les disquaires indépendants.»

Par ailleurs, il ne se gênera pas pour critiquer les mesures de protection préconisées par l'industrie de la musique. «Ces mesures ont souvent pour objet de protéger la vente au détail. C'est un combat perdu d'avance car les détaillants vont disparaître de toute façon. Cela me fait un peu penser à l'époque de la Prohibition, qui n'a jamais pu stopper la consommation d'alcool. Ces mesures de protection ne mènent-elles pas à consommer illégalement la musique en ligne ?» demande-t-il. Byrne favorise en ce sens l'interopérabilité des contenus numérisés. Même iTunes, selon lui, a mis en place des mesures de protection trop restrictives.

Et l'avenir des compagnies de disques ? L'écran derrière lequel Byrne s'exprime affiche I'm not really sure. Il sait néanmoins que les clips ne sont plus indispensables à la vente de disques, que les coûts de production des disques ont chuté considérablement, au point même que les prêts des compagnies de disques ne sont plus absolument nécessaires.

Après avoir comparé le mode de distribution des revenus de l'industrie des CD et celui de iTunes, le chanteur a fait remarquer que la part de l'artiste reste «suspicieusement la même» plus ou moins 15% des revenus d'un CD sont destinés à l'artiste et l'éditeur, plus ou moins 14% sur iTunes.

Étonné lui-même d'afficher un certain optimisme pour les artistes indépendants dans un contexte numérique, David Byrne prédit tout de même la survie des grandes étiquettes de disques, essentielles aux pop stars telles Britney Spear ou Janet Jackson. «Pour les autres? Puisque les grandes étiquettes ne cessent de se départir de leurs experts, pourquoi ne pas les embaucher nous-mêmes ?»

Si David Byrne le dit...