Le succès de la conférence ADAPT Montréal, le weekend dernier, fait dire à son promoteur que l'industrie montréalaise des médias interactifs est prête à conquérir le monde. À condition de trouver plus de gens capables de mener des gros projets à terme.

Le succès de la conférence ADAPT Montréal, le weekend dernier, fait dire à son promoteur que l'industrie montréalaise des médias interactifs est prête à conquérir le monde. À condition de trouver plus de gens capables de mener des gros projets à terme.

«Notre industrie est en train de prendre de la maturité, mais nous manquons toujours de bons gestionnaires de projets, résume Jean-Éric Hénault, organisateur de l'événement. En plus, les écoles ne suffisent pas à la demande à tous les niveaux.»

Autre chose qui ressort de la conférence, c'est que le grand public comprend mal quels métiers peuvent mener à une carrière dans la production numérique, que ce soit du côté des jeux vidéo, du cinéma ou de la création pour Internet.

Comme il s'agit d'une industrie qui n'est pas très âgée, et qui n'a pas encore pris de forme définitive, c'est normal, croit-on. Ce n'est pas comme pour les médias traditionnels, où chaque fonction et chaque rôle sont clairement définis.

De ce côté-là, c'est facile: les vieux médias profitent de plusieurs décennies d'existence. Le rapprochement entre ces dinosaures- le cinéma traditionnel et la télé- et les médias interactifs émergents est donc vu d'un bon oeil pour aider à structurer une industrie qui en aurait bien besoin.

«Ce rapprochement va créer un transfert d'expertise et de connaissances», confirme Jean Hamel, directeur des communications pour l'Institut national de l'image et du son (INIS), un centre de formation faisant autant dans l'imagerie traditionnelle que dans les nouveaux médias interactifs.

M. Hamel constate que les nouveaux médias commencent justement à prendre une forme qui leur est propre, comprenant tous les échelons de la démarche créatrice et administrative qui fonctionne si bien pour la télé et pour le cinéma.

«Même du côté des sites Web, on ne fait plus que des vitrines promotionnelles pour les autres médias, ajoute-t-il. On pense à la scénarisation et à la réalisation d'un projet autonome avant de le mettre en chantier.»

C'est d'ailleurs dans cette optique que l'INIS a intégré, depuis deux ans, de nouveaux cours portant sur la gestion et la production. «On est conscient qu'il y a une demande à ce niveau», confirme le porte-parole de l'INIS.

Les nouveaux gestionnaires connaissent bien les techniques de la production numérique, mais ils n'ont pas nécessairement la formation technique qui leur permettrait d'accomplir eux-mêmes une partie de la tâche de création. «Par contre, ils peuvent jongler avec des budgets», dit M. Hamel.

Entraide

Ces nouveaux gestionnaires doivent ensuite développer leur propre expérience, un atout qui fait cruellement défaut à bien des entreprises du domaine des nouveaux médias à Montréal. Pour l'illustrer, Jean-Éric Hénault se rappelle une mégaproduction de 40 millions de dollars sur les aventures de Jules Verne, qui devait être produite à Montréal il y a 10 ans.

L'aventure a mal tourné lorsque l'entreprise qui a hérité du projet a excédé son budget. Elle voulait tout le gâteau pour elle seule, une attitude qui l'a isolée des autres entreprises qui auraient pu l'aider à faire le boulot de façon plus rentable. «Il y a beaucoup d'orgueil à Montréal», résume M. Hénault. Un studio qui prend un gros projet et qui se casse les dents, ça arrive.

Selon lui, il faudrait s'inspirer de la façon de faire californienne, où les entreprises de production s'entraident souvent, au besoin. Ce genre de collaboration entre les concurrents, ça crée de la stabilité, en prime, d'un projet à l'autre. Jean Hamel, de l'INIS, croit lui aussi que l'industrie profiterait d'une plus grande chimie entre ses nombreux acteurs.

C'est ce qui pourrait mener à une forme d'impartition locale. «Les studios conservent une équipe réduite qui travaille à temps plein sur tous les projets, mais elle refile ce qu'elle ne peut pas faire à d'autres petites boîtes, spécialisées dans des domaines précis», résume Jean-Éric Hénault.

Après ça, l'industrie de la production numérique montréalaise sera prête à conquérir le monde.