Des universitaires américains ont trouvé la recette magique pour maximiser leurs profits sur le site d'enchères électroniques eBay: demander les prix les plus bas. Et laisser le marché s'occuper du reste.

Des universitaires américains ont trouvé la recette magique pour maximiser leurs profits sur le site d'enchères électroniques eBay: demander les prix les plus bas. Et laisser le marché s'occuper du reste.

Leurs conclusions sont déconcertantes à première vue. Sur eBay, les vendeurs les moins exigeants obtiennent au bout du compte les meilleurs prix. La clé de l'énigme: l'effet d'entraînement. Plus les prix de départ sont bas, plus il y a de clients intéressés et plus ils font monter les enchères. Qui dépassent éventuellement celles d'objets identiques offerts initialement à un prix plus élevé.

«Tous ceux qui achètent sur eBay savent qu'il faut beaucoup de discipline et de maîtrise de soi pour laisser à un autre acheteur un objet sur lequel nous avons fait une offre. Les gens finissent par proposer des sommes qu'ils n'auraient jamais offertes au départ», dit l'un des auteurs de l'étude, Keith Murnighan, professeur de management à l'Université Northwestern, en banlieue de Chicago. Adam Galinsky, de l'Université Northwestern, et Gillian Ku, de la London School of Business, ont aussi participé au projet, dont les conclusions ont été publiées cet été dans le Journal of Personality and Social Psychology.

Pour démontrer l'irrationalité des internautes, les trois universitaires ont mis en vente sur eBay des objets identiques -179 tapis persans, 87 appareils photo numériques et 89 chemises d'été de marque Tommy Bahama. Ils ont demandé plusieurs prix de départ. Le verdict du marché: les articles les moins chers initialement trouvent preneur à un prix plus élevé, et les vendeurs trop optimistes reviennent souvent bredouilles. «Le plupart des objets sur eBay ne parviennent pas à être vendus du premier coup parce que les vendeurs demandent trop cher», rappelle le professeur Murnighan.

La théorie des bas prix est intéressante. Mais elle comporte une faille importante: encore faut-il générer suffisamment d'intérêt au sein du marché pour faire monter les enchères. «Il ne faut pas toujours vendre au plus bas prix, dit le professeur Murnighan. Ce serait trop facile!» Pire, le vendeur risque de se tirer dans le pied si le marché ne suit pas, comme l'ont constaté les trois universitaires.

Ceux-ci ont mis en vente sur eBay deux types de gilets à l'effigie de Michael Jordan. Les premiers étaient en parfaite condition. Les autres suscitaient moins d'intérêt de la part d'acheteurs potentiels en raison d'une faute d'orthographe insérée dans le nom de la vedette du basket. Comme prévu, la théorie des bas prix a prévalu pour les gilets en parfaite condition. Mais le contraire s'est produit avec les gilets mal orthographiés: les gilets les moins chers au départ se sont vendus à un prix inférieur à la moyenne, les acheteurs n'ayant pas provoqué de surenchère cette fois-ci.

Le professeur Keith Murnighan lance un dernier avertissement: sa théorie, élaborée dans un environnement hautement concurrentiel comme eBay, ne fonctionne pas toujours hors du monde virtuel. Dans la vraie vie, vaut mieux y penser à deux fois avant d'abaisser le prix de vente d'une maison, particulièrement si le marché de l'immobilier bât de l'aile. «La grande question, c'est de savoir si le rabais accordé au départ permettra de susciter assez d'intérêt dans le marché afin d'obtenir au moins la différence entre le prix de vente et la valeur marchande de la maison, dit-il. S'il n'est pas possible de générer assez d'intérêt, c'est mieux de demander un prix plus élevé.»