Sacrez tant que vous voulez. Seules la patience et une bonne dose de force brutale viendront à bout des emballages thermoformés qui protègent certains produits depuis une dizaine d'années.

Sacrez tant que vous voulez. Seules la patience et une bonne dose de force brutale viendront à bout des emballages thermoformés qui protègent certains produits depuis une dizaine d'années.

Le déballage d'un paquet de batteries ou d'ampoules fluorescentes est devenu plus complexe qu'un casse-tête chinois. Mais pourquoi leurs fabricants tiennent-ils autant à nous compliquer la vie?

Parlez-en à Danielle Charbonneau, qui ouvre des dizaines d'emballages comme ceux-là chaque année. Responsable des tests de jouets pour le magazine Protégez-vous, cette coordinatrice chez Options consommateurs a investi dans une paire de pinces à métal pour en finir avec la douleur.

«Je ne regrette pas mon achat; auparavant, je m'arrachais des bouts de doigt, dit-elle. Leurs boîtes sont souvent suremballées, dans le style antibombe, avec des attaches supplémentaires en métal. Toutes les compagnies ont tendance à abuser, mais les pires sont les fabricants américains, comme Fisher Price ou Mattel.»

Le plastique, c'est Fantastique

Si la poupée Barbie est suremballée, c'est parce qu'elle doit être transportée sans s'abîmer de son usine d'un pays lointain, et aussi parce que Mattel veut la présenter le mieux possible au consommateur, avec tous ses accessoires fixés autour d'elle.

«Les emballages thermoformés servent à créer de l'espace tablette et offrent une surface pour vendre la marque», selon Nathalie Houde, vice-présidente chez Identica, une filiale de l'agence de publicité Cossette qui conçoit de tels emballages pour le fabricant de microprocesseurs AMD.

«Dans le cas des ampoules par exemple, le modèle à incandescence est un produit générique et n'a droit qu'à une boîte en carton, tandis que les nouvelles ampoules fluorescentes sont emballées avec du thermoformé pour créer une différenciation. C'est vrai que le coût de revient augmente beaucoup avec ces emballages, mais ça peut vendre davantage le produit.»

La troisième raison pour laquelle on utilise le thermoformé, c'est le vol à l'étalage. Un gros emballage rend le produit plus difficile à cacher dans son sac.

Dur à ouvrir et à voler

Et c'est prouvé. L'Association canadienne de l'emballage a réalisé il y a quelques années une étude comparative entre deux magasins situés dans la même localité.

Elle y a placé un produit d'entretien en aérosol, un cadenas pour cases d'écolier, et un tube de colle;chacun était emballé avec ou sans plastique thermoformé selon le magasin.

«Le résultat de l'étude était clair:il y a plus de vols sans emballage thermoformé», dit une responsable de l'association, Marina Kovrig, de la société d'emballage montréalaise Recochem.

«Nous ne faisons pas ce genre d'emballage par sadisme, assure-t-elle. Nous savons que nous risquons de frustrer certains consommateurs, surtout les personnes âgées qui ont parfois des doigts plus faibles. Nous essayons d'améliorer la situation, mais nous devons tenir compte des contraintes de transport et de présentation, ainsi que des règlements qui demandent par exemple de faire en sorte qu'un enfant ne pourra pas ouvrir certains produits.»

Le problème, c'est qu'en protégeant les produits contre les voleurs, les fabricants finissent par punir les consommateurs honnêtes.

«Les commerçants utilisent de plus en plus de dispositifs de sécurité, que ce soit sur les vêtements, les DVD ou autres. On dépersonnalise beaucoup le service du commerce en amplifiant la sécurité, et je ne sais pas si ça réduit vraiment le vol à l'étalage», dit Jannick Desforges, avocate au service juridique d'Options consommateurs.

Et c'est sans compter les risques de blessures: quand on doit sortir son couteau à viande pour ouvrir l'emballage d'une paire d'ampoules ou d'un câble de réseau informatique, les probabilités d'accident augmentent sensiblement.

Aucune donnée à ce sujet n'a été comptabilisée au Bureau de la sécurité des produits de consommation de Santé Canada, selon son porte-parole Paul Duchesnes. Mais au Royaume-Uni, par exemple, le «wrap rage» aurait causé 60 000 blessures en 2003, selon un rapport publié par le Daily Telegraph. Et aux États-Unis, des responsables des urgences ont rapporté au cybermagazine Wired News une hausse notable des accidents de déballage dans la semaine qui suit Noël.

Dur aussi pour l'environnement

Enfin, il y a le problème du recyclage. Tout ce plastique n'est certainement pas la solution d'emballage la plus écologique. En outre, selon Danielle Charbonneau, beaucoup de produits suremballés n'affichent même pas le triangle codifié permettant d'identifier le type de plastique utilisé.

Mais c'est peut-être dans cette question environnementale que réside l'espoir de voir les fabricants réduire leur utilisation d'emballages thermoformés.

À l'instar de l'Ontario, le gouvernement du Québec forcera bientôt les entreprises à payer aux municipalités 50% du coût de recyclage de leurs emballages. Cette mesure fait partie de la loi 102, votée en 2002. Selon Johanne Riverain, porte-parole de Recyc-Québec, «le fait de contribuer financièrement à la collecte sélective amènera sûrement les distributeurs à repenser leurs emballages pour en réduire le poids et le volume.»