Au Canada, les fournisseurs d'accès Internet ne sont pas tenus par la loi de conserver des informations sur ce que font les internautes sur le Web. Mais ça pourrait changer.

Au Canada, les fournisseurs d'accès Internet ne sont pas tenus par la loi de conserver des informations sur ce que font les internautes sur le Web. Mais ça pourrait changer.

Le gouvernement Bush a récemment rencontré des représentants de compagnies Internet afin de savoir si elles seraient disposées à garder les données de connexion de leurs clients. Sinon, affirmait le New York Times, Washington pourrait les y forcer par la loi.

Les services de renseignement et les autorités judicaires affirment qu'il serait ainsi plus facile d'avoir accès à des informations dans les cas d'enquêtes portant sur la pornographie juvénile ou le terrorisme.

Le gouvernement Harper sera-t-il tenté d'adopter une loi qui irait dans ce sens?

Professeur en droit d'Internet à l'Université de Montréal, Pierre Trudel n'en serait pas surpris.

«La question se discute, dit-il. Ça a été débattu et compte tenu des tendances internationales, ça ne serait pas étonnant qu'on se retrouve au Canada avec une disposition de cette nature. La tendance est dans l'air.»

Avant le changement de garde à Ottawa, le gouvernement Martin avait déposé en Chambre le projet de loi C-74 sur la modernisation des techniques d'enquêtes, qui vise notamment à faciliter l'accès légal des forces de l'ordre aux communications électroniques.

Au ministère de la Sécurité publique, on confirme que le projet de loi est en révision et qu'il sera probablement réintroduit par le gouvernement Harper à l'automne.

«Ce serait un projet de loi où on demanderait aux compagnies de donner accès au gouvernement pour aller faire de l'écoute ou aller chercher des données quand ils font leurs enquêtes. Évidemment, sous très haut contrôle», dit Mélissa Leclerc, porte-parole du ministère de la Sécurité publique.

Chez Telus, où on fournit des services d'accès à Internet, on dit ne pas avoir reçu de demandes pour conserver les données des internautes.

«Mais je ne serais pas surpris que le gouvernement l'envisage, dit Jim Johannsson, directeur des services à la clientèle. S'il nous demande de le faire, il faudra discuter avec lui pour savoir qui va payer pour recueillir l'information, la conserver et la rendre disponible au gouvernement. Ça coûterait beaucoup d'argent!»

Si les fournisseurs d'accès Internet devaient être tenus de conserver des données sur leurs abonnées, Pierre Trudel croit que les consommateurs paieront la note finale.

«Qui va payer pour tout ça? Ce n'est quand même pas gratuit conserver des données si longtemps, dit le professeur de l'Université de Montréal. Est-ce que ce sont les entreprises, et par conséquent les abonnés? C'est un des enjeux.»

Donner le pouvoir aux autorités d'aller fouiller dans la vie privée des internautes implique également que les autorités policières soient surveillées, dit Pierre Trudel.

«Comment on fait pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'abus et qu'on n'importune pas les gens sans raison? C'est un gros défi. Il faut s'assurer que l'on puisse utiliser ces techniques d'enquête avec un contre-pouvoir, qui fait en sorte que les autorités de police ont à rendre compte de leurs actes. Ils doivent démontrer qu'ils se sont servis de ces techniques là de façon sérieuse.»

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