À en croire plusieurs, le Québec n'a plus la capacité de créer des grands projets rassembleurs, du genre à définir l'économie de la province pour les années à venir. Les technos ne font pas bande à part: leur niveau élevé d'innovation ne suffit pas à créer un pôle technologique québécois véritablement dominant.

À en croire plusieurs, le Québec n'a plus la capacité de créer des grands projets rassembleurs, du genre à définir l'économie de la province pour les années à venir. Les technos ne font pas bande à part: leur niveau élevé d'innovation ne suffit pas à créer un pôle technologique québécois véritablement dominant.

Le problème, semble-t-il, est qu'une trop grande part de consommateurs d'ici n'adhèrent pas à ces nouvelles technologies, car ils ne parviennent pas à les maîtriser.

C'est ce qu'on appelle la fracture numérique. Comme si le Québec était séparé en deux camps: d'un côté, il y a les entreprises québécoises, qui sont parmi les plus innovatrices du G7, et de l'autre, il y a «une majorité d'adultes québécois qui n'atteint pas le niveau d'alphabétisation souhaité pour fonctionner aisément dans la société, encore moins pour pouvoir maîtriser les technologies de l'information et des communications (TIC)», tel que l'indique Statistique Canada.

Pour les technos en particulier et pour le Québec en général, créer un projet rassembleur dans ce contexte est un enjeu de taille. Qui peut imaginer la naissance d'un Google québécois, dans une province où plus de la moitié des adultes n'a pas accès à Internet parce qu'elle n'a pas un niveau d'alphabétisme suffisant?

Statistique Canada a publié, au début du printemps, une étude internationale, appelée Enquête sur la littératie et les compétences des adultes (ELCA), qui fait le lien entre le niveau d'alphabétisation d'une communauté et son utilisation d'Internet et des autres technologies de l'information et des communications (TIC). Selon cette enquête, avec Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick et le Nunavut, le Québec figure parmi les pires provinces à ce chapitre.

Est-ce la cause du faible taux de branchement à Internet dans la Belle Province? C'est ce que pense le Centre francophone d'informatisation des organisations (CEFRIO). «Non seulement les adultes dont les compétences sont les plus faibles présentent-ils des difficultés à fonctionner dans la société du savoir, mais en plus, dans la majorité des cas, il subissent la fracture numérique; ils sont souvent privés d'un accès à l'ordinateur ou à Internet», pense Éric Lacroix, directeur des enquêtes pour le centre.

En d'autres mots, en plus d'avoir un impact négatif sur les entreprises technologiques québécoises, ce fossé numérique peut aussi nuire à la qualité de vie de nombreux ménages, comme l'a déjà démontré Statistique Canada.

«Le groupe possédant les compétences les plus faibles continue de perdre du terrain, écrit-on, même s'il s'agit du groupe susceptible de bénéficier davantage des possibilités offertes par les nouvelles technologies. Cela est particulièrement vrai dans le cas d'Internet, où les avantages comprennent un accès plus facile aux services gouvernementaux, à des prix plus bas, etc.»

Mobilisation autour des TIC

Dans ce contexte, la persévérance des technos québécoises à innover est surprenante, mais elle est bel et bien réelle, constatent depuis quelques années l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) et l'United States Patent and Trademark Office (USPTO).

En fait, c'est le Grand Montréal qui s'avère particulièrement fertile, en matière d'innovation. La métropole québécoise s'est vu octroyer, en 2004, 26 % des brevets délivrés à des titulaires canadiens.

Depuis 1999, elle surclasse même Toronto, qui arrive au second rang. La cause de cette domination montréalaise: ses entreprises. Ce sont elles qui contribuent à la majorité des inventions brevetées (85 %).

Le secteur des TIC tout particulièrement. L'ISQ constate d'ailleurs que l'octroi de brevets américains relatifs aux TIC est en forte expansion au Québec.

En 2004, 44 % des brevets détenus au Québec relevaient des TIC, comparativement à seulement 10 % en 1993. À l'époque, c'était la moyenne du G7, mais en 2004, c'est deux fois plus au Québec.

Le voilà donc peut-être, le projet mobilisateur tant recherché par les critiques d'un immobilisme présumé du Québec: miser davantage sur les nouvelles technologies.

Éric Lacroix, du CEFRIO, le résume le mieux: «Il faut concentrer les efforts pour améliorer l'accès à Internet, sa disponibilité, sa qualité (haute vitesse) et son accessibilité économique, sur les clientèles qui demeurent vulnérables. Parallèlement, les efforts d'amélioration des compétences des adultes doivent être maintenus, car ils portent leurs fruits depuis 1994.»