Microsoft et la Commission européenne se sont accusés mutuellement lundi d'induire la justice européenne en erreur à coup d'arguments spécieux ou d'études faussées, au premier jour d'un procès dont Microsoft espère qu'il fera annuler sa condamnation pour abus de position dominante.

Microsoft et la Commission européenne se sont accusés mutuellement lundi d'induire la justice européenne en erreur à coup d'arguments spécieux ou d'études faussées, au premier jour d'un procès dont Microsoft espère qu'il fera annuler sa condamnation pour abus de position dominante.

En mars 2004, la Commission avait condamné l'entreprise à une amende record de 497 millions d'euros, et l'avait contraint à commercialiser son système d'exploitation vedette Windows sans le logiciel audio-vidéo Media Player.

Elle lui avait également imposé de partager plus d'informations techniques avec ses concurrents afin qu'ils puissent élaborer aisément des logiciels compatibles avec Windows.

Alternant plaidoiries et exposés techniques savants devant le Tribunal de première instance de la Cour européenne de justice, c'est Microsoft qui a ouvert le feu lundi matin sur le volet Media Player, suivi dans l'après-midi par la Commission.

Pour le Belge Jean-François Bellis, l'un des deux avocats représentant Microsoft, l'échec essuyé par XPN, la version de Windows sans lecteur audio-vidéo mise sur le marché à la demande de la Commission, démontre l'absurdité de la condamnation de 2004.

Selon lui, depuis la commercialisation de XPN à l'été 2005, les fabricants de PC n'ont pas livré un seul ordinateur équipé de ce système d'exploitation. Seuls 1787 exemplaires ont été vendus directement aux particuliers, soit seulement 0,005% des ventes de Windows en Europe.

Pour Me Bellis, «le résultat est clair: il n'y a pas de demande pour une version de Windows sans la fonctionnalité multimédia. La décision (de la Commission) doit par conséquent être annulée».

Mais pour l'avocat de la Commission, Peer Hellström, «Microsoft n'a apporté aucune preuve technique» de ce qu'il avance.

Windows et Media Player (encore connu sous le sigle WMP) ne constituent en rien "un bloc indivisible" et peuvent tout à fait être vendus séparément, selon lui. Le groupe américain a tout fait le droit d'intégrer de nouvelles fonctions dans Windows mais il doit laisser le choix au consommateur et aux fabricants d'ordinateur.

«Une entreprise dominante a une responsabilité particulière et son comportement ne doit pas fausser la concurrence», a-t-il rappelé.

Me Hellström a trouvé «assez cynique qu'après six ans de ventes liées, il n'y ait pas de demande pour le Media Player seul. C'est que la stratégie de Microsoft a eu tout son impact, que le marché a été verrouillé et que WMP est devenu un must».

Chiffres d'affaires et effectifs de Microsoft

Alors que pour Me Kelyn Bacon, avocate pour ACT, une association d'entreprises qui soutient Microsoft, «le Media Player n'empêche pas l'utilisateur d'installer un autre lecteur multimédia», la Commission rappelle qu'à ce jour 90% des usagers utilisent WMP, et 60% l'utilisent lui exclusivement.

En sept ans, WMP a précipité la chute du logiciel Real Player de la société Real Networks, qui était alors leader sur ce marché, a souligné Me Hellström.

Real Player a ainsi suivi le triste exemple du navigateur internet Netscape, voué à l'extinction depuis que Microsoft a décidé d'intégrer à Windows son propre navigateur, Internet Explorer.

Un économiste appelé à témoigner en faveur de la Commission a également mis en doute l'exactitude et le sérieux des études de Microsoft sur les parts de marché des différents lecteurs multimédia.

Pour Me James Flynn, l'un des avocats de l'association ECIS, qui regroupe de grands industriels tels qu'IBM et Oracle qui soutiennent la Commission dans cette affaire, «si on n'arrête pas Microsoft, ils recommenceront».

Aucune décision n'est attendue à l'issue des plaidoiries vendredi. Il faudra attendre la fin 2006, voire même le 1er semestre 2007, avant de connaître l'arrêt du Tribunal.