Taper des phrases sans clavier sur un ordinateur, simplement par la pensée: c'est possible, et démontré en direct au salon techno CeBIT de Hanovre.

Taper des phrases sans clavier sur un ordinateur, simplement par la pensée: c'est possible, et démontré en direct au salon techno CeBIT de Hanovre.

Jeudi et vendredi y étaient testés, pour la première fois en public, deux prototypes de «machine à écrire mentale» développés par une petite équipe de chercheurs, des informaticiens de l'institut allemand Fraunhofer et des spécialistes en neurologie de l'hôpital berlinois Charité.

Deux hommes sont coiffés d'une espèce de bonnet relié par une multitude de câbles à un ordinateur. Assis devant un ordinateur, ils sont parfaitement immobiles, et pourtant sur l'écran un curseur bouge, choisit des lettres, et peu à peu des phrases se forment.

En réalité, ils s'imaginent en train de réaliser des mouvements, explique à l'AFP un des deux responsables du projet, Klaus-Robert Müller, informaticien au Fraunhofer: «Ils s'imaginent qu'ils prennent une balle dans la main gauche ou droite, qu'ils bougent une porte avec un pied ou tirent un but.»

Chaque mouvement imaginé commande un déplacement du curseur sur l'écran, permettant par élimination de choisir des lettres, et d'écrire. Ce n'est pas rapide, plusieurs minutes pour une phrase, mais ça fonctionne.

Le bonnet contient en effet des senseurs, 64 ou 128 selon le modèle, qui permettent comme pour un électroencéphalogramme de mesurer l'activité cérébrale. Les signaux électriques du cerveau sont transmis par câble à l'ordinateur, qui les analyse et les transforme en commande.

Les médecins ont apporté leurs «connaissances physiologiques, sur quel mouvement provoque quelle réaction à quel endroit du cerveau», les informaticiens ont transformé ces informations en algorythmes, détaille Gabriel Curio, professeur en neurologie à l'hôpital berlinois et autre responsable du projet.

A croire les concepteurs, l'utilisation de l'engin ne demande pas un grand entraînement. «Ce n'est pas l'homme, mais la machine qui doit apprendre», souligne M. Curio. L'ordinateur s'adapte à chaque personne, il faut seulement compter quinze à vingt minutes pour configurer un profil individuel. Ensuite «l'essentiel est de se détendre et de se concentrer sur un mouvement précis», note M. Müller.

La technique pourrait faire «regagner de la liberté» à certains handicapés moteurs «dont le cerveau est intact mais enfermé dans un corps qui ne réagit plus», souligne M. Curio. Il évoque aussi des applications pour des prothèses: comme on ressent une douleur fantôme dans un membre amputé, le patient imaginerait des «mouvements fantômes» que réaliserait la prothèse.

En dehors du domaine médical, M. Müller évoque les jeux vidéo, ou la conduite automobile: des appareils intelligents, GPS ou téléphone, pourraient tenir compte du stress du conducteur, et ne pas lui parler ni sonner s'il est déjà submergé d'informations.

Mais pour tout cela, il faudra encore attendre. Il a déjà fallu cinq ans pour développer le prototype présenté au CeBIT, et celui-ci pose encore un «gros problème», selon M. Müller: le bonnet. «Il faut trois quarts d'heure pour l'installer». Chacun des senseurs doit en effet toucher le cuir chevelu à un endroit précis. «Ce serait bien si on y arrivait sans contact. Mais c'est très compliqué techniquement.«

Les chercheurs affichent donc des espérances prudentes. Développer une nouvelle technologies d'électrodes et commencer à tester des applications concrètes sur des patients sont cités par M. Curio comme «objectifs pour les deux à quatre prochaines années».