Le désormais célèbre format de compression MP3 et ses cousins seraient dénigrés par les audiophiles... qui représentent plus ou moins 5% des consommateurs de musique. Les amateurs de musique classique ou de jazz n'auraient pas confiance en la qualité d'un fichier musical compressé et téléchargé sur Internet.

Le désormais célèbre format de compression MP3 et ses cousins seraient dénigrés par les audiophiles... qui représentent plus ou moins 5% des consommateurs de musique. Les amateurs de musique classique ou de jazz n'auraient pas confiance en la qualité d'un fichier musical compressé et téléchargé sur Internet.

Vraiment ? Amis mélomanes, ce préjugé est en voie d'être pulvérisé.

Pour vous donner une petite idée, comparons les supports traditionnels aux fichiers de compression.

Le CD que vous achetez au magasin de disques a été reproduit en format PCM, qui comporte 16 bits de résolution sonore (un bit est une unité de données) et 44 khz, c'est-à-dire 44 000 particules de son transmises à vos oreilles à chaque seconde. Le DVD-A, qui s'adresse à une clientèle plus exigeante en matière de haute fidélité (un peu comme le SACD), comporte 24 bits et 96 khz (96 000 échantillons par seconde).

Or, d'aucuns croient que le format de compression MP3, véhicule par excellence du piratage sur Internet et aussi des nouveaux services de téléchargement légal, fait piètre figure à côté des CD, DVD-A ou SACD.

Et que fait le format de compression, au juste ?

Il permet l'élimination d'une partie de l'information sonore de l'enregistrement original pour faire voyager la musique plus facilement et plus rapidement sur Internet. Un logiciel de compression, en fait, élimine certaines données jugées superflues par le biais de formules mathématiques qu'on nomme algorithmes de compression. Ces formules permettent ainsi différentes qualités de fichiers de compression.

«Ces algorithmes de compression ne cessent de s'améliorer, tant et si bien que l'oreille humaine est de moins en moins capable de discerner les carences d'un fichier MP3 par rapport à un CD ou un 33 tours. Par ailleurs, les bandes maîtresses des enregistrements professionnels ne cessent aussi de faire des progrès; on peut d'ores et déjà atteindre une intelligibilité de 64 bits et 192 khz, ce qui nous permet de créer de fichiers compressés supérieurs au CD», explique Alexandre Vovan, directeur des ventes et des communications chez Analekta, le plus important producteur indépendant de musique classique au Canada.

«La combinaison de ces deux facteurs (formats de compression et bande maîtresse) me laisse croire que les fichiers MP3 et leurs descendants dépasseront très prochainement la qualité des CD», croit Vovan, informaticien de formation en plus d'être pianiste. Vous le voyez venir ?

Voyez son patron renchérir : «En 2001, j'ai allumé sur un rapport de l'institut Forrester Research : on y révélait que 80 % de la jeunesse américaine ne possédait pas de lecteur CD conventionnel! Plusieurs de ces étudiants de 2001 sont maintenant sur le marché du travail, et ils ne sont pas partis pour acheter des CD. Et lorsque certains d'entre eux se mettront à la musique classique, ils se la procureront autrement», pense Mario Labbé, propriétaire d'Analekta.

Avez-vous saisi que l'homme d'affaires n'est absolument pas effrayé par les bouleversements technologiques en cours? «D'autant plus que le consommateur de musique classique a toujours été amateur de technologies. Il fut le premier à passer du 78 au 33 tours, il fut le premier à passer à la haute fidélité, le premier à acheter des CD. Pourquoi ne serait-il pas enclin à consommer la musique sur Internet?»

Au printemps dernier, Mario Labbé déjeunait avec James Joly, patron du prestigieux magazine britannique Gramophone, leader mondial du journalisme spécialisé en musique classique. «À un moment de la conversation, je lui dis comment je suis devenu adepte de l'iPod. Il me sort alors le sien de sa poche en me citant les noms de grands chefs d'orchestre comme Roger Norrington... tous conquis par le baladeur numérique!»

Inutile d'ajouter que le répertoire entier d'Analekta est désormais offert sur des dizaines de sites légaux de téléchargement, iTunes Music Store (qui vient de franchir le cap du milliard de chansons téléchargées), Napster, Naxos Music Library, Archambault Zik, PureTracks, etc. Pas encore très payant, estime Mario Labbé mais...

«Éventuellement, on encaissera plein de chèques qui proviendront des sites de téléchargement légal. D'ici là, cependant, il faut admettre la baisse de la valeur de la musique telle qu'on l'a consommée jusqu'à maintenant. Il faut traverser la tempête, tenir le coup jusqu'à ce que la musique soit complètement dématérialisée.»