Quand on écoute parler Alan Kay, il est difficile de croire que cet homme a été derrière quelques-unes des inventions les plus importantes des dernières années.

Quand on écoute parler Alan Kay, il est difficile de croire que cet homme a été derrière quelques-unes des inventions les plus importantes des dernières années.

C'est que l'Américain, qui a notamment travaillé à développer le premier ordinateur personnel et l'imprimante laser, relève davantage du philosophe que du scientifique qui passe ses journées à programmer.

Dans les années 70, Alan Kay faisait partie de l'équipe du centre de recherches de Xerox, le Xerox PARC. Les innovations faites par ce groupe ont été reprises par Apple et Microsoft, notamment, qui ont fait leur fortune en les commercialisant.

L'environnement graphique, la programmation orientée objet, le protocole Ethernet sont sortis de ce laboratoire d'idées.

L'ordinateur personnel aussi. «Il était plus gros que cette pièce, dit Alan Kay dans une grande salle du Palais des Congrès de Montréal. Et il était personnel de 3h à 6h du matin, quand j'étais le seul à m'en servir.»

Invité par le Centre de recherche informatique de Montréal à prononcer une conférence devant des gens de l'industrie des technologies de l'information, Alan Kay n'a pas été tendre.

Il déplore que contrairement à ce qui se passait dans les années 60, plus personne n'investisse dans la recherche en informatique.

«Il n'y a pas eu de financement depuis les années 70, ni d'innovations, dit-il. Il n'y a pas d'université, pas d'entreprise qui investit dans la recherche, bien que ce soit incroyablement abordable.»

Il ajoute en riant qu'avec les innovations sorties du Xerox PARC, les entreprises ont nettement rentabilisé leurs investissements en recherche.

«Les compagnies ont eu des retours sur investissements de plus de 100% et on me dit que dans le milieu des affaires, c'est bon», rigole Alan Kay.

Aujourd'hui, ceux qui ont les moyens de financer la recherche ont peur, dit le chercheur. «Il y a un immense désir de ne pas perdre le contrôle, dit-il. Mais en matière de recherche, ce que nous avons fait chez Xerox n'était que le départ. Seulement 40% de nos idées au Xerox PARC ont été réalisées.»

Penser pour innover

Pour Alan Kay, la révolution informatique n'a pas eu lieu. Il compare l'arrivée de l'ordinateur et de l'informatique à celle de l'imprimerie et déplore qu'on ne fasse «qu'automatiser le papier, alors qu'on peut faire des choses avec les ordinateurs».

Il appelle à penser l'informatique comme un organisme biologique qui évolue, un peu à l'image du réseau Internet.

Du même souffle, Alan Kay tire à boulets rouges sur les entreprises qui développent des logiciels, affirmant qu'elles ne font que réparer les problèmes de leurs logiciels et qu'elles ne songent qu'à faire vendre.

«La plupart des entreprises ne peuvent pas défaire le gâchis qu'elles ont fait, dit celui qui a travaillé pour Apple, Xerox, Atari et Hewlett-Packard. Il faut construire des choses qui peuvent se développer.»

Affirmant que l'informatique et l'Internet y seront pour les 500 prochaines années, il appelle les gens à être sceptiques, à penser comme des enfants, à ne pas avoir peur de faire des erreurs. C'est seulement en brisant les barrières, dit-il, que l'informatique pourra évoluer.

Désillusionné, Alan Kay? Peut-il voir un seul projet, une seule université ou entreprise qui de nos jours «pense» l'informatique autrement qu'en terme de ventes?

L'informaticien réfléchit longuement avant de répondre.

«C'est difficile de voir des exemples qui se démarquent aujourd'hui. Xerox PARC était exceptionnel. Des choses exceptionnelles ont été accomplies par quelques personnes. Peut-être Intel… ils ont des anthropologues qui travaillent pour eux.»