L'univers de l'information et de l'Internet connaissent des mutations spectaculaires et accélérées depuis dix ans. Mutations qui ne feront que continuer à s'accélérer en 2006 et pour les années à venir. Voici mes dix prévisions pour 2006, autant légères que sérieuses. Rendez-vous en décembre pour constater si j'avais raison ou non...

L'univers de l'information et de l'Internet connaissent des mutations spectaculaires et accélérées depuis dix ans. Mutations qui ne feront que continuer à s'accélérer en 2006 et pour les années à venir. Voici mes dix prévisions pour 2006, autant légères que sérieuses. Rendez-vous en décembre pour constater si j'avais raison ou non...

1. Les moteurs de recherche généralistes comme Google auront tendance à devenir des biens publics.

Ce qui distinguait un moteur de recherche d'un de ses concurrents ces dernières années était (1) leur technologie logicielle - notamment la puissance de leurs algorithmes d'analyse sémantique et (2) la quantité de documents qu'ils étaient en mesure de traiter. Les guerres de chiffres sur le nombre de documents indexés par Google et Yahoo! a cessé à l'été 2005 (Google ne publie plus ce nombre, décision prise à peu près au même moment où Yahoo! déclarait avoir doublé la taille de sa base de données et, ce faisant, dépassé Google). La bataille s'est donc déplacée sur le strict terrain de la qualité des résultats obtenus par les requêtes de recherche. Cela dit, les gains en termes de popularité de l'utilisation d'un moteur ne seront dorénavant que très marginalement reliés à la qualité des moteurs de recherche. Le véritable enjeu pour ces entreprises est la fidélisation des usagers, puisque leur modèle d'affaires repose presque entièrement sur la publicité affichée sur leurs sites. Ces moteurs s'acharneront donc plutôt à favoriser le développement d'outils complémentaires et intégrés (Google a déjà commencé en offrant le «Google Pack»), la technologie de recherche elle-même devenant un bien d'utilité publique qui risque, à terme, de tomber dans le domaine public, sous le modèle «Open Source».

2. Le 31 décembre 2006, il y aura plus de 50 millions de blogues dans le monde, deux fois plus que le 1er janvier.

2005 a été l'année des blogues, qui ont vu leur popularité exploser. 2006 ne fera que continuer, sinon accentuer cette tendance. On verra rapidement apparaître des catégorisation plus évidentes des blogues: journaux purement personnels (les adolescents sont les grands producteurs de ce type de blogues), des blogues «revendicateurs» - produits par des individus et des organisations à caractère social, environnemental, etc. -, des blogues techniques, produits par des spécialistes d'un domaine ou d'un secteur particulier et des bologues "promotionnel", au service d'une entreprise, d'un politicien ou d'un lobby.

3. De nouvelles encyclopédies collaboratives, spécialisées, apparaîtront.

L'indéniable succès de la Wikipédia fera de nombreux émules. Malgré les sarcasmes et le scepticisme qu'elle a souvent suscité, force est de constater son immense succès (la version anglaise compte maintenant près de 1 million d'entrées) et la grande qualité de la majorité de ses articles (une étude récente publiée dans la très prestigieuse revue scientifique Nature a comparé certains articles de la Wikipédia à ceux de la crédible et sérieuse Encyclopaedia Britannica, concluant que la qualité des deux ouvrages était équivalente, l'une contenant autant d'erreurs de faits que l'autre). Ce sera donc de plus en plus un modèle de production de savoir collaboratif qui en séduit puissamment plusieurs, notamment les auteurs d'études scientifiques et techniques cherchant à contourner les rigides contraintes des éditeurs classiques.

4. Les moteurs de recherche généralistes (Googe, Yahoo!, MSN, AOL) perdront globalement des parts de marché au profit d'outils de recherche nichés et spécialisés.

En 2005, les moteurs de recherche généralistes ont déjà perdu, globalement, quelques points de part de marché au profit d'outils spécialisés (sur certains domaines ou thématiques, destinés à des catégories d'usagers spécifiques, par exemple). La quantité d'information disponible sur l'Internet demeurant en croissance exponentielle, et les besoins des usagers de l'information devenant de plus en plus pointus et précis, la pertinence de ce type d'outils ne fera que s'accentuer. Les outils généralistes auront bien sûr toujours leur place, au même titre qu'un dictionnaire de langue ou une encyclopédie, mais les outils spécialisés se tailleront une place de choix. On peut faire le parallèle avec les médias spécialisés qui prennent de plus en plus d'importance dans le marché, comme les chaînes télévisées très spécialisées.

5. Le terme de recherche le plus populaire sera le nom d'un politicien, d'une unité terroriste ou d'un problème social plutôt que celui d'une jolie et/ou sulfureuse actrice.

Depuis la popularisation de l'Internet, les termes de recherche les plus fréquemment demandés par les usagers des moteurs de recherche ont généralement été les noms des Madonna, Britney Spears et autres Spice Girls de ce monde. Ces dames ne perdront certes pas de leur popularité, mais il y a une lente transformation du web, qui devient de plus en plus une plateforme de production et de diffusion d'information de caractère «revendicateur», par des individus et des groupes de pression qui en utilisent le plein potentiel pour faire passer leurs messages.

6. Google ou Yahoo! achètera Technorati.

Technorati, une entreprise spécialisée dans la recherche de contenu des blogues et dans l'analyse de la «blogosphère» semble être celle qui s'est le plus détachée du peloton en 2005. Son efficacité et sa popularité n'ont sûrement pas échappé aux chasseurs d'opportunités des géants de la recherche sur le web qui doivent à tout prix étendre leur portefeuille de services et d'outils pour se distinguer sur le web, fidéliser les usagers et générer ainsi davantage de revenus publicitaires.

7. L'initiative Quaero en Europe sera un flop.

Ceux qui auront suivi l'actualité reliée à l'Internet et au web en Europe auront été stupéfaits d'apprendre qu'une initiative de la Communauté européenne suscite depuis la fin de 2005 moult outre-atlantiques émois. La CE a en effet décidé de contrer la trop grande place qu'occupe, selon elle, les entreprises, spécialisées en outils de recherche web, américaines en général et Google en particulier. Plan de la contre-offensive: création d'un moteur de recherche concurrent, Quaero. Outre le caractère discutable d'une telle initiative par les instances étatiques, il est encore plus étrange d'adopter une telle stratégie défensive. D'autant que les technologies de recherche convergent de plus en plus vers des algorithmes similaires, sinon de devenir un bien public (cf. prévision 1 ci-dessus). Étant donné les dissensions au sein même de l'Union qui déjà fait surface pour le projet de numérisation des collections des bibliothèques nationales, il y a fort à parier que ce projet se transforme en tour de Babel qui s'effondrera rapidement.

8. L'image publique de Google sera ternie, notamment à cause de blogueurs.

Google a bénéficié d'une lune de miel étonnamment longue avec le public. On eût dit que cette entreprise était davantage perçue comme un service public sans but lucratif qu'une entreprise commerciale. Mais les craquelures commencent à apparaître à la surface. Les hauts cris qu'ont poussé les gouvernements européens suite à l'annonce par Google de son intention de numériser à toutes fins pratiques l'ensemble des documents imprimés disponibles sur Terre ont été un des premiers et rares cas de critique ouverte contre cette entreprise. Mais la tendance annoncée de Google à offrir un éventail toujours plus grands d'outils (gestion de photographies, outil de recherche sur un poste informatique ou sur un réseau d'entreprise, localisateur géographique, etc.) et surtout à les intégrer au sein d'une même plateforme rappelle la stratégie globale de Microsoft. Il y a fort à parier que les altermondialistes et anti-américains de tout poil surveilleront de plus en plus près le comportement de Google et que le moindre faux-pas fera le tour de la blogosphère en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, comme ce fut le cas au tout début de janvier pour Wal-Mart.

9. Les moteurs de recherche intégrés seront les outils qui connaîtront la plus grande croissance de popularité.

Il ya une «loi» du développement des technologies de l'information, plus ou moins scientifique, dite loi de Moore, qui prétend que la capacité (technique) de stockage des supports d'enregistrement de données (disques durs, CD/DVD, mémoires flash...) double de capacité tous les 18 mois. Cette réalité fait en sorte que la quantité d'information que nous pouvons enregistrer sur nos supports personnels ou ceux des organisations auxquelles nous appartenons est de plus en plus grande. Rappelez-vous, il n'y a pas cinq ans nous n'avions à notre disposition que les disquette de 3,5" comme support magnétique «transportable», contenant 1,44 Meg de données. Aujourd'hui, vous pouvez vous procurer un graveur DVD pour 50$ qui vous permettra d'enregistrer sur ce petit disque de plastique entre 3 500 et 7 000 fois plus d'information que sur la petite disquette. Résultat: nos disques durs débordent de zillions d'octets de données, nous n'avons aucune discipline de classement et nous ne retrouvons plus ce que nous cherchons, dans nos propres documents personnels ou d'entreprise. Les outils de recherche balayant tant le web que nos fichiers, courriels et autres carnets d'adresses se sont multipliés l'an dernier. Copernic, Google, et des dizaines d'autres entreprises les offrent gratuitement (toujours question d'en fidéliser l'usage). Et le capharnaüm que constituera de plus en plus nos disques durs ne fera qu'accroître leur popularité.

10. La majorité des premiers ministres du Canada auront leur blogues personnels sur leur site.

On a vu de nombreux politiciens utiliser les blogues dans les récentes campagnes - tant la course à la chefferie du P.Q. que la dernière campagne électorale fédérale. Par contre, la mode des blogues n'a pas encore traversé de l'univers politique partisan à la sphère de l'élu. Mais les politiciens, de façon générale, étant à la désespérée recherche d'outils de communication leur permettant de se rapprocher de leurs commettants, question de redonner un peu de prestige et de crédibilité à leur fonction, utiliseront sans aucun doute ce format au cours de l'année. En retard sur le reste du monde, bien entendu. Gageons que ce ne sera pas eux qui l'écriront réellement, mais que nous ne le saurons jamais.

À vous de chercher, maintenant!