Ils sont les snowbirds de l'été. Mais s'ils vont vers le Sud, ce n'est pas pour les plages, les cocotiers et le soleil chaud. La neige, voilà ce qui les attire à l'autre bout de la planète.

Chaque été, Geneviève Simard remplit sa valise de vêtements chauds et met le cap vers le Sud. Même après une douzaine d'années, l'exercice demeure particulier. «Paqueter des chandails de laine quand il fait 30 à l'extérieur, mentalement, c'est drôle», convient cette vétéran de l'équipe canadienne de ski alpin.

L'an dernier, Simard a péché par imprévoyance et a été déjouée par le beau temps qui prévalait au Québec. Résultat, il lui a manqué quelques épaisseurs à son arrivée en Nouvelle-Zélande pour un camp d'entraînement au mois d'août. «J'ai vraiment gelé, se souvient-elle. Au début, ça prend toujours quelques jours avant que notre corps s'habitue au froid.»

Cette année, elle ne s'est pas fait prendre. Le 8 août, Simard a quitté un peu à regret l'été québécois qui venait à peine de s'installer pour un camp sur neige d'un mois à Coronet Peak, en Nouvelle-Zélande.

Après des semaines à s'échiner dans le gymnase et à l'approche de la nouvelle saison, l'appel de la neige devient pressant. «On n'a pas d'arénas comme les patineurs de vitesse ou les joueurs de hockey pour s'entraîner à l'année. On n'a pas le choix», fait remarquer Julien Cousineau, qui a fait deux séjours à Coronet Peak, en août et en septembre, avec les autres techniciens de l'équipe canadienne de ski alpin.

Cousineau, 28 ans, s'y connaît en camps de neige estivaux. À 11 ou 12 ans, il passait cinq semaines au Chili en compagnie d'Erik Guay et de son père Conrad Guay, un entraîneur qui l'avait pris sous son aile. «C'était un peu hors de l'ordinaire parce qu'à cet âge-là, on n'a pas vraiment besoin de tant skier en été, souligne Cousineau. Les compétitions ne commencent qu'à la mi-janvier. On était juste mieux structurés.»

Camps incontournables

Au plus haut niveau, ces camps estivaux dans l'hémisphère sud sont dorénavant incontournables.

À la veille de cette très attendue saison olympique, les planchistes, les fondeurs, les skieurs alpins et acrobatiques canadiens ont multiplié les occasions de s'entraîner sur la neige durant les mois d'été.

Les destinations privilégiées: la Nouvelle-Zélande, l'Australie, l'Argentine et le Chili (voir carte). L'inversement du cycle des saisons dans l'hémisphère sud permet de compter sur des conditions de neige... hivernales. Ainsi, les athlètes ne seront pas dépaysés quand ils reprendront la compétition le mois prochain.

«On pourrait aussi s'entraîner sur les glaciers européens, mais on y retrouve de la neige de printemps, qui fond en fou l'après-midi et qui regèle durant la nuit», explique Paul Kristofic, entraîneur-chef de l'équipe canadienne masculine de ski alpin.

En Nouvelle-Zélande, ajoute-t-il, les entraîneurs peuvent préparer des parcours sur de la neige artificielle et de la neige injectée d'eau, qui se transforme en béton armé au contact du froid, soit les mêmes conditions qu'en Coupe du monde.

Les longs déplacements ne sont pas sans contraintes. Un mois avant le camp, Kristofic a dû coordonner la livraison de quatre tonnes et demie de matériel (skis, portes, outils, matériel médical, etc.) par cargo aérien.

«Fini le temps où on pouvait se pointer à l'aéroport avec 100 morceaux de bagage et t'enregistrer», rappelle-t-il, ajoutant que les attentats du 11 septembre 2001, la crise du transport aérien et la récession qui a suivi ont considérablement compliqué la tâche des équipes.

Avec les autres membres de l'équipe canadienne de ski de fond, Alex Harvey a passé trois semaines à la station Snow Farm, dans la même région que Coronet Peak, en août. Après sa remarquable saison, il avait aussi skié sur des glaciers en mai, juin et juillet, dans l'ouest canadien.

«Je ne passe jamais plus de deux ou trois mois sans voir la neige, note Harvey, double médaillé en Coupe du monde l'hiver dernier. Ce n'est donc jamais trop un choc de retomber sur mes planches. C'est bon parce que je ne perds pas les gains techniques que je peux faire. Ça reste ancré en moi.»

Si les séjours prolongés dans la neige ne lui font plus «ni chaud ni froid», le vétéran skieur acrobatique Pierre-Alexandre Rousseau y voit lui aussi une excellente occasion de peaufiner sa technique sans être préoccupé par une compétition à venir. «Pendant trois semaines, je peux avoir un ou plusieurs projets et ne penser qu'à ça. Ça me permet d'évoluer et de faire avancer le sport», note l'athlète de 30 ans. L'été dernier, avec l'équipe canadienne de bosses, il a séjourné trois semaines en Argentine, à Ushuaia, considérée comme la ville la plus australe du monde.

Dominique Maltais a elle aussi vu le bout du monde, l'été dernier. La planchiste de Petite-Rivière-Saint-François a pris part à un camp sur neige de plus de trois semaines à Perisher, en Australie. Ce camp supplémentaire pour les spécialistes du cross, inédit à Canada Snowboard, a été rendu possible par le financement additionnel provenant du programme d'excellence À nous le podium.

Maltais attribue à ces journées d'entraînement additionnelles une bonne part de ses succès de début de saison. Le 12 septembre, l'athlète de 28 ans a en effet pris le troisième rang de la Coupe du monde de Chapelco, en Argentine, course remportée par sa coéquipière et compatriote Maelle Ricker.

«Par rapport à d'autres, je ne connais pas mes meilleures courses en début d'année, souligne-t-elle. Habituellement, ça me prend du temps à retrouver mes sensations. C'est pour ça que c'était important pour moi d'aller en Australie.»

Certes, les camps estivaux sur neige sont intenses, mais pourquoi ne pas profiter de ces destinations exotiques pour s'amuser un peu. Maltais et Harvey se sont essayés au surf. Rousseau a contourné les nombreux détritus d'Ushuaia sur son vélo de montagne. Faute de temps pour la pêche, Julien Cousineau a frappé la petite balle de golf avec son ami Jean-Philippe Roy. Geneviève Simard a découvert les superbes vignobles néo-zélandais avec Brigitte Acton. Erik Guay, lui, s'est initié au saut en parachute avec ses potes de l'équipe de vitesse. Maintenant, place au «vrai» hiver.