Il souriait devant les caméras. Mais le sourire était forcé. À l'intérieur, ça bouillait. Comme jamais.

Erik Guay est passé proche tellement souvent. Le scénario se ressemblait, mais ce n'était pas pareil. Il savait qu'il avait commis une grosse gaffe. Une erreur aux conséquences monumentales. Il doit dire adieu à un podium olympique chez lui, au Canada. «Ça va me prendre des années à l'oublier, celle-là», a lâché Erik Guay après son - autre - cinquième place aux Jeux olympiques de Vancouver, vendredi après-midi, à Whistler.

Le skieur de Mont-Tremblant venait de donner une quinzaine d'entrevues. Tout au bout de la très longue zone mixte ceinturant l'aire d'arrivée, trois journalistes québécois l'attendaient. Il ne fallait pas se laisser tromper par ses traits impassibles. Il a été émotif comme jamais, échappant quelques jurons.

Le moment le plus dur de sa carrière? «Oui, c'est pas facile...» a-t-il répondu avant de ravaler. Trois centièmes de seconde, voilà ce qui a séparé Guay d'une médaille au super-G, remporté par le Norvégien Aksel Lund Svindal. Un battement de cil. Ou 73 centimètres, comme l'indique plus prosaïquement la feuille de résultats de la FIS.

Ultra-sélectif, le super-G présenté sur la Dave Murray Downhill n'a cependant pas créé la différence. Après Svindal, en état de grâce, six centièmes séparaient le médaillé d'argent Bode Miller, le médaillé de bronze Andrew Weibrecht, l'Italien Werner Heel et Guay. L'athlète de Mont-Tremblant n'a pas eu à creuser très loin pour savoir où il avait perdu la course. À la troisième porte, il s'est fait surprendre et a été déporté vers l'extérieur. «C'était une faute d'équilibre. Je n'étais pas encore dans le rythme. Ça m'a coûté cher.»

Peut-être même la victoire. «À partir de là, il est à la hauteur de Svindal», a fait remarquer son entraîneur Lionel Finance. En fait, le Québécois a été le plus rapide de tous les coureurs en deuxième moitié de parcours. «Comme pour la descente, il n'a pas du tout à rougir de son résultat aujourd'hui, a ajouté Finance. Je suis triste pour le gars parce que je sais tout le travail qu'il y a mis.»

Comme pour la descente de lundi, où il a aussi fini cinquième, le haut de parcours a été fatal à Guay. «Depuis quelque temps, c'est là qu'il fait une erreur 60% du temps», analysait son père Conrad, qui a dérogé à ses habitudes pour assister à une course de son fils.

M. Guay, un coach renommé qui est probablement le critique le plus pointu d'Erik, vivait des émotions partagées: «Je suis triste pour lui, mais je suis plus content qu'il ait retrouvé son ski, autant en ski libre qu'entre les piquets.»

M. Guay est encouragé par ses résultats à Whistler, qui suivent une cinquième place à Kitzbühel. Seulement, comme il l'a dit, «aux Jeux olympiques, à moins d'une médaille, t'es rien». Erik le sait très bien. À Turin, il avait fini quatrième, à un centième du podium. Cela avait cependant représenté une forme de victoire puisqu'il était revenu in extremis d'une sérieuse blessure à un genou.

Cette fois, les attentes étaient aussi énormes que les montagnes de Whistler et de Blackcomb. Guay portait presque les derniers espoirs d'une équipe alpine blanchie jusqu'ici, ce qui commence à faire murmurer les journalistes. À quoi ont servi les 10 millions d'À nous le podium? demande-t-on en substance. Même Svindal y est allé de paroles réconfortantes pour son ami en conférence de presse. «Je suis désolé pour Erik, a déclaré le Norvégien. Il a eu plusieurs quatrièmes, cinquièmes et sixièmes places en grand championnat. J'aurais souhaité qu'il soit sur le podium aujourd'hui.»

Il n'est pas le seul.