Quand la skieuse de Pointe-Claire Anna Goodman a appris que Canada Alpin l'inviterait à disputer le slalom féminin olympique même si elle est diminuée par une blessure au genou, elle était aux anges. Son ami de coeur Marco Sullivan, lui, avait de la fumée qui lui sortait par les oreilles.

«Ma première réaction, honnêtement, c'est que je n'étais pas très content», a reconnu Sullivan, un membre de l'équipe américaine de ski alpin qui s'apprête à disputer ses troisièmes Jeux olympiques. «Initialement, je croyais que Canada Alpin essayait de la pousser dans une situation qui n'était pas sécuritaire.»

Une réaction bien normale puisque le 3 décembre dernier, Goodman a subi une déchirure au ligament croisé antérieur (LCA) du genou lors du slalom de Zagreb, en Croatie. Quand elle a entendu le diagnostic, elle était persuadée que sa saison était terminée, que son rêve de participer à ses premiers Jeux, en sol canadien de surcroît, venait de s'évanouir. A l'instar de ses coéquipières Kelly VanderBeek et Larisa Yurkiw, également blessées au genou durant la présente saison de la Coupe du monde.

Chez les hommes, John Kucera, François Bourque et Jean-Philippe Roy étaient également tombés au combat. Sullivan croyait donc que Canada Alpin s'était tourné vers Goodman en désespoir de cause, elle qui n'est pas encore une figure établie au sein de l'équipe canadienne même si elle représente un espoir légitime de médaille à long terme.

«Mais ensuite, j'ai discuté avec des gens de ce sujet-là, j'ai parlé aux médecins de l'équipe américaine et j'ai réalisé qu'il n'était pas si rare que des athlètes skient avec un LCA déchiré, a raconté Sullivan en marge d'un point de presse de l'équipe américaine de ski alpin tenu à l'approche des Jeux. Tant et aussi longtemps qu'elle a une orthèse sur le genou, les risques de causer d'autres dommages sont peu élevés.»

C'est ce qu'ont réalisé les dirigeants de Canada Alpin en discutant avec leurs médecins. VanderBeek et les autres membres de l'équipe canadienne touchés au genou avaient subi des déchirures à plusieurs ligaments. Pas Goodman. Un seul ligament avait été touché, et un ligament qui n'est pas absolument essentiel pour skier.

D'où leur décision de l'inviter aux Jeux. Et de lui concocter un programme spécial de réadaptation et de remise en forme dans le but de lui donner toutes les chances de bien faire lors du slalom féminin du 26 février prochain. Les premiers entraînements sur neige, la semaine dernière, se sont bien déroulés et Goodman devait d'ailleurs se joindre à ses coéquipiers de l'équipe canadienne technique, jeudi à Nakiska, non loin de Calgary, pour un premier entraînement avec portes.

«Elle dit qu'elle se sent bien, a indiqué Sullivan. Sa première fois sur skis, elle était étonnée de se sentir aussi bien avec le protecteur. Elle espère rehausser le niveau d'intensité d'ici le jour de sa course, et oublier petit à petit son genou.

«Elle a pu travailler seule avec le personnel de l'équipe à Calgary pendant près de trois semaines. Elle sera définitivement en forme. Le seul point d'interrogation sera le genou. Reste à savoir à quel point ça va demeurer un facteur.»

Sullivan sait que des skieurs ont déjà obtenu des résultats éclatants dans le passé malgré un LCA déchiré. Mais ça ne l'empêche pas de s'inquiéter encore un peu pour sa douce de 24 ans.

«J'ai moi-même été opéré au même ligament à trois reprises et j'ai skié pendant deux semaines sans LCA, alors je sais un peu ce que c'est. Mais de courir aux Jeux olympiques sans LCA, avec autant d'intensité, ce sera assurément une autre paire de manche.»

L'Américain de 28 ans reconnaît que son côté protecteur a tendance à faire surface chaque fois qu'il regarde Goodman courir.

«Je suis plus nerveux qu'avant mes propres courses, a-t-il reconnu. Alors c'est sûr que je suis un peu inquiet pour elle. Mais je veux qu'elle vive son rêve olympique et qu'elle en profite au maximum, alors j'espère qu'elle réussira à ne plus penser à son genou et qu'elle réalise qu'elle est l'une des slalomeuses les plus rapides au monde.

«Elle était atterrée quand elle a subi sa blessure. Quand elle a appris qu'on lui donnerait une chance d'y participer, ça l'a tellement allumée... Je pense que juste ça en soi pourrait l'aider à bien faire.»

Saint-Valentin

Sullivan et Goodman ont fait connaissance à Whistler, il y a trois ans, à l'occasion des championnats canadiens. Les skieurs américains étaient venus se familiariser avec la montagne.

Sullivan a reconnu qu'il n'avait encore rien prévu pour la Saint-Valentin, ce dimanche. L'Américain sera encore à Whistler pour préparer le super-G du 19 février, tandis que Goodman sera en Alberta pour la suite des préparatifs en vue du slalom.

«Je vais essayer de passer à travers la descente (de samedi), puis je vais essayer de lui envoyer des fleurs ou quelque chose.»

Ce qui ne veut pas dire que Sullivan n'aime pas Goodman. Même que c'est tout le contraire, à en croire l'énorme sourire qu'il a au visage pendant qu'il parle de sa douce.