Les sauteurs qui défendent les couleurs du Canada en ski acrobatique aux Jeux olympiques de Vancouver en sont à leur dernier tour de piste. C'est littéralement à un changement de la garde que s'attend l'Association canadienne de ski acrobatique (ACSA), comme l'a expliqué son chef de la direction, Peter Judge, à La Presse Canadienne, mardi.

«C'est exactement cela, un changement de la garde. Mais ce n'est pas que le ski acrobatique qui est affecté. Je pense qu'on peut voir cela dans plusieurs sports présentement. C'est habituellement ce qui se produit quand vous accueillez les Jeux olympiques dans votre pays.

«L'avantage c'est que vous êtes en mesure de conserver des vétérans au sein de votre équipe puisque l'argent est là. Vous profitez alors de leur expérience pour une autre olympiade et cette expérience les aidera à obtenir de bons résultats. D'un autre côté, c'est comme de construire un barrage. Après les Jeux, ce barrage de vétérans cède et tous les jeunes athlètes qui attendaient derrière doivent apprendre en trois ans - car les prochaines qualifications auront lieu en 2013 - ce que ces vétérans ont mis deux ou trois olympiades à maîtriser. C'est difficile d'assurer un bon transfert de connaissances.»

C'est particulièrement vrai quand le groupe qui quitte est aussi titré que les athlètes présents à Vancouver. A eux quatre - Steve Omischl, Warren Shouldice, Kyle Nissen et Veronika Bauer représentent le Canada à ces Jeux - ces athlètes ont amassé deux titres en Championnats du monde, quatre globes de cristal et deux deuxièmes places sur le circuit de la Coupe du monde, où ils ont signé 27 victoires.

Du groupe, seul Shouldice, le plus jeune à 26 ans, pourrait décider de poursuivre jusqu'à Sotchi, en 2014. Bauer, âgée de 30 ans, Nissen, 30 ans, et Omischl, 31 ans, devraient tous prendre leur retraite. Omischl a déjà confirmé qu'il s'agissait de ses troisièmes et derniers Jeux. Nicolas Fontaine, qui dirige l'équipe nationale de développement, doute que Shouldice s'imposera un autre cycle de quatre ans.

«Nous sommes un peu une grande famille, et là, tous ses amis proches vont partir, image-t-il. C'est tough. Je l'ai déjà vécu et ce n'est pas facile. Il faut tisser des liens avec de nouvelles personnes, souvent beaucoup plus jeunes. Ce n'est pas évident.»

«Il est encore trop tôt pour dire si le nouveau groupe d'athlètes connaîtra autant de succès, précise Judge. Une chose est certaine, ils ont déjà appris beaucoup sous la tutelle de Nicolas. Déjà, on peut voir des résultats encourageants. Olivier Rochon, par exemple, s'est presque taillé une place au sein de l'équipe olympique. Je pense que nous sommes à la veille de voir ce groupe s'installer sur la scène internationale.»

Rochon mène un groupe de jeunes sauteurs et sauteuses repêchés par Fontaine pour son programme Sauts 2010. Sabrina Guérin, Geneviève Tougas, Rémi Bélanger, Crystal Lee, Stéphanie Pratte et Jonathan Vellner, pour ne nommer que ceux-là, en font tous partie. Aucun de ces athlètes n'a réussi à se qualifier pour Vancouver, bien que Rochon et Guérin soient passés bien près d'obtenir leur ticket.

«C'était peut-être trop ambitieux de vouloir placer des athlètes à Vancouver avec la mise en place de ce programme en 2006 seulement, bien qu'Olivier y serait allé si nous n'avions pas eu à inclure les athlètes de ski cross dans notre processus de sélection, explique Fontaine. Mais c'est ce groupe d'athlète qui sera à Sotchi, c'est certain.

«Ce qui est important dans leur cas, c'est de ne pas attendre à 2013 pour commencer à faire des podiums en Coupe du monde. Il faut que ça commence dès l'an prochain. En 2013, il sera trop tard pour commencer à réaliser de bonnes performances.»

Fontaine fait remarquer que plusieurs pays subiront une transformation presque complète au sein de leurs troupes: le Belarus - seul Anton Kushnir, détenteur du globe de cristal, demeurera au sein de cette équipe - les Etats-Unis et la Suisse, notamment.

«A part le Suisse Thomas Lambert, Kushnir et les Chinois, le plateau est plutôt âgé cette saison. Tout ce chambardement laissera toute l'avant-scène aux jeunes.»

Viabilité financière?

Si la tenue des Jeux en sol canadien a donné le goût à des vétérans de demeurer pour un autre cycle, elle a également attiré plusieurs commanditaires et aidé à la mise sur pied de programmes comme A nous le podium (ANP). On sait déjà qu'ANP demeurera - dans une forme allégée - mais est-ce que l'ACSA sera en mesure de profiter d'un même niveau de financement pour Sotchi?

«Nous sommes très chanceux, car nous avons de bonnes ententes corporatives, note Judge en poussant un soupir de soulagement. Postes Canada, notre partenaire principal, est sous contrat avec nous au moins jusqu'en 2012; même chose avec RBC Groupe financier et Bell Canada. Tout cela est relativement stable. C'est certain que nous tentons de tabler sur les succès de ces Jeux et sur les succès de notre équipe et de notre programme. Du côté corporatif, donc, nous profitons d'une certaine sécurité», affirme Fontaine.

«Du côté gouvernemental, nous avons toujours bénéficié d'un très bon appui et nous espérons que le ministre (James Moore) trouvera une façon de convaincre le gouvernement et que le peuple canadien en général pourra de nouveau embarquer dans cette aventure. Ce fut une décision difficile à prendre et je pense que de ne pas avoir été en mesure de s'approprier le podium comme nous le souhaitions est décevant. Mais vous savez, vous ne gagnez jamais sur le premier essai. (...) C'est l'un de ces scénarios où vous pouvez soit retirer vos billes et rentrer chez vous parce que vous n'avez pas gagné avec votre mise initiale, ou bien on continue et on prend les moyens pour réussir.

«Regardez tous les progrès qui ont été effectués dans tous les sports. Regardez les skieurs de fond. Ils pourraient bien remporter une médaille dans le relais, jeudi, ce qui aurait été impensable il y a quelques années. Que des Canadiens aient la chance de «voler» une médaille sur le terrain de jeu des Scandinaves, c'est génial. Je pense que dans tous les sports, nous avons vu de grands bénéfices dus à ANP. C'est à souhaiter que nous puissions compter sur ce programme de nouveau.

«Pour l'ACSA, si nous ne sommes pas en mesure de compter sur cet apport financier supplémentaire, ça aurait un très grand impact, surtout au sujet du personnel de soutien. Au niveau compétitif, l'impact de ce manque à gagner se verrait donc chez nos vétérans, qu'il serait alors plus difficile de garder en santé. J'espère donc que le ministre saura convaincre ses pairs.»