Pour sauter loin, soyons le plus léger possible: malgré un règlement destiné à éviter les dérives, le credo a encore cours dans le saut à skis comme l'ont avoué l'Allemand Martin Schmitt et le Finlandais Ville Kantee, prêts à tout pour tutoyer les cieux, quitte à se brûler les ailes.

L'encadrement de l'équipe d'Allemagne a d'abord évoqué pudiquement un «syndrome de fatigue chronique» pour expliquer que Schmitt, sur les rotules, coupait avec la compétition après sa décevante 22e place dans la tournée des Quatre tremplins.

Après quelques jours de repos, l'ancien N.1 mondial, quatre titres mondiaux et un titre olympique (par équipes en 2002) à son palmarès, a joué cartes sur table.

«Si je ne suis pas apte à la compétition en ce moment, c'est aussi parce que depuis des années je me cantonne à un poids extrêmement limite», a-t-il confessé au quotidien populaire Bild.

«Pour me sentir bien, je devrais peser 4 kilos de plus. Mais si je prenais deux ou trois kilos, par exemple, je perdrais cinq à six mètres au saut. Pour faire partie de l'élite mondiale, il faut aussi être compétitif sur son poids», a souligné l'Allemand qui pèse 63 kilos pour 1,82 m.

Schmitt, remplumé par deux semaines de repos, participera tout de même aux JO-2010 de Vancouver.

Ville Kantee n'y sera pas en revanche: ce Finlandais, vainqueur de deux concours de Coupe du monde et grand copain du légendaire Janne Ahonen, a mis un terme à sa carrière en 2004 à 26 ans, épuisé par les privations, régimes draconiens et autres mensonges.

«Je me suis détruit moi-même, ainsi que ma carrière», a-t-il admis, en révélant qu'il avait réussi à «descendre» jusqu'à 51 kilos pour... 1,74 m.

Os saillants

Pour être performant sur les tremplins, il ne mangeait tout simplement plus et refusait de passer sous les mains du masseur de l'équipe de Finlande pour qu'il ne constate pas les «dégâts» sur son corps, les os saillants et sa peau sèche.

«J'étais arrivé au point où je ne ressentais carrément plus la faim, le seul problème est que je ne dormais plus, car mon corps ne fonctionnait plus correctement», a-t-il expliqué.

La Fédération internationale de ski (FIS) est consciente du problème et des risques d'anorexie.

Depuis 2004, l'indice de masse corporelle (rapport poids sur taille, BMI en anglais) a fait son entrée dans le règlement et définit la longueur des skis que peuvent utiliser les sauteurs, une donnée importante en termes de portance lors du vol.

Le BMI de référence a été fixé à 20 permettant par exemple à un sauteur d'1,80 m et pesant 64,8 kg d'utiliser des skis de 2,63 m alors qu'un rival de même taille mais pesant quatre kilos de moins pourra chausser des skis de 2,54 m.

Après chaque saut, les athlètes passent sur la balance et un fonctionnaire de la FIS s'assure que les skis utilisés sont conformes à leur BMI sous peine de disqualification.

Le système a fait ses preuves, mais la FIS va le modifier la saison prochaine en portant le BMI «idéal» à 20,5.