Il n'y aura pas de Cindy Klassen aux Jeux olympiques de Vancouver. Mais il pourrait bien y avoir une Kristina Groves.

Quatrième du 1000 m longue piste remporté par sa coéquipière Christine Nesbitt, jeudi, Groves a vu s'éteindre, par une marge infime de six centièmes de seconde, la possibilité de remporter cinq médailles lors de ces Jeux, comme l'avait fait Klassen à Turin en 2006.

Groves ne gagnera pas cinq médailles, soit. Mais quatre? C'est tout à fait possible. Elle a déjà gagné le bronze dans le 3000 et pourrait ajouter à sa collection dès demain, dans un 1500 m qui risque fort d'être un duel d'anthologie entre elle et Nesbitt. «Kristina Groves est en très bonne forme. Surveillez-la bien dans le 1500», a lancé l'Allemande Anna Friesinger-Postma, double médaillée olympique, jeudi.

Friesinger-Postma n'est pas la seule à croire aux chances de Groves, qui disputera aussi le 5000 et la poursuite par équipe, la semaine prochaine. Croisé plus tôt cette semaine à l'Anneau olympique de Richmond, l'entraîneur national Gregor Jelonek m'a chanté les louanges de l'athlète de 33 ans, une native d'Ottawa qui s'entraîne à Calgary depuis une quinzaine d'années. «Kristina est incroyable. Elle a une présence sur la glace. Elle est déterminée et avec elle, il n'y a jamais de demi-mesures.» Hier, il en rajoutait. «Elle va sortir comme une démone dans le 1500!»

Dans le 1000, Groves est presque parvenue à surmonter son lent départ habituel. Son dernier tour a été le meilleur de la compétition et elle semblait même accélérer dans les derniers mètres. Un tour de plus et elle semait ses rivales.

Le 1500 devrait donc être sa meilleure chance de gagner l'or en individuel. C'est une épreuve particulièrement relevée où les adeptes des courtes distances, comme Nesbitt, rencontrent les spécialistes des épreuves de fond, comme Groves. Celle-ci domine le classement de la Coupe du monde au 1500 m cette saison, tout juste devant Nesbitt, chacune ayant remporté deux victoires. La table est mise pour une explication finale, qui promet d'être spectaculaire

L'influence de Boucher

Comme sa partenaire d'entraînement Clara Hughes, Groves est tombée en amour avec le patinage de vitesse en voyant Gaétan Boucher tirer sa révérence aux Jeux olympiques de Calgary. «Je me souviens encore d'avoir regardé son 1500 m à la télé. Il n'avait pas gagné de médaille, mais quelque chose dans cette course m'avait donné envie d'essayer», raconte-t-elle.

Elle a demandé à ses parents de l'inscrire dans un club d'Ottawa. «J'ai rapidement eu la piqûre olympique, mais il a fallu longtemps avant que mes habiletés soient à la hauteur de mon rêve», dit-elle. «J'ai développé un profond amour du sport. J'ai appris à travailler fort, à m'entraîner, à suivre un programme. Avec toujours, au fond de moi, le désir d'aller un jour aux Jeux.»

Elle avait 18 ans quand elle a débarqué à Calgary, au milieu des années 90. «Il n'y avait pas beaucoup de filles à l'époque. Plusieurs ont quitté, mais j'ai persisté. J'ai été la dernière de celles qui sont arrivées dans cette période.»

Les Jeux étaient alors sa source de motivation principale. «Je voulais faire partie de cette incroyable événement sportif international, dit-elle. Mais aujourd'hui, je comprends l'impact plus large et plus profond qu'on peut avoir, comme athlète, sur le monde au-delà du sport.» Elle a visité le Rwanda à titre d'ambassadrice de l'organisation humanitaire Right to Play, compense ses émissions de carbone en achetant des crédits du programme Play It Cool de la Fondation David Suzuki et visite régulièrement les écoles pour témoigner de son expérience d'athlète.

Après les Jeux de Salt Lake City, où elle est restée à l'écart du podium, Groves a réalisé qu'elle se concentrait trop sur ses résultats. «Je dois savoir si je suis satisfaite dès que je franchis la ligne d'arrivée. Ce qui compte, ce sont les sensations que j'éprouve. C'est difficile à cerner, mais j'apprends quelque chose à chaque course. C'est ce qui m'a permis de m'améliorer.»

Elle a gagné deux médailles d'argent aux Jeux de Turin, dans le 1500 et la poursuite par équipe, et est devenue l'un des piliers de l'équipe nationale. En 2007-2008, sa meilleure saison, la plus polyvalente des patineuses canadiennes est montée sur le podium dans les cinq épreuves auxquelles elle a participé au championnat du monde par distances individuelles.

Elle ne peut plus répéter l'exploit à Vancouver. Mais une médaille demain pourrait lui donner la chance d'en gagner quatre. Qui dit mieux?