Shani Davis aime les premières. Et pas seulement les premières places.

À Turin, le patineur de vitesse américain était devenu le premier athlète noir, tous pays confondus, à gagner une médaille d'or aux Jeux olympiques d'hiver. Mercredi, il a continué à bâtir sa légende en étant le premier à défendre son titre dans le 1000 m masculin, une distance sur laquelle ont pourtant régné des géants comme Eric Heiden, Gaétan Boucher et Dan Jansen.

S'élançant dans la dernière paire de patineurs, l'athlète de Chicago a bouclé les deux tours et demi de l'Anneau olympique de Richmond en 1:08,94 pour battre par 18 centièmes le Coréen Tae-Bum Mo, qui a empoché sa deuxième médaille des Jeux, après l'or du 500 m. L'Américain Chad Hedrick, grand rival de Davis, a gagné le bronze.

Spécialiste des distances intermédiaires plus que sprinter, Davis a mené une course méthodique. Dixième au premier intervalle, il était cinquième après 600 m et a montré ses qualités de finisseur dans le dernier tour de piste pour décrocher la victoire.

Son triomphe survient quatre jours après qu'il eut souffert pour une 12e place dans le 5000 m et deux jours après un abandon au terme de la première des deux manches du 500 m.

«Il y a quatre ans, j'étais en mode offensif et maintenant, je me retrouve sur la défensive. Ça signifie beaucoup. Je vais continuer à essayer de défendre ce qui m'appartient», a dit l'athlète de 27 ans, qui aimerait compléter le doublé en gagnant aussi le 1500 m, samedi.

La victoire de Davis n'est pas une surprise. Il détient le record du monde sur 1000 m (1:06,42) et est invaincu sur la distance en Coupe du monde cette saison. Une victoire dans le 1500 est certainement imaginable, car il domine le classement mondial dans cette épreuve.

Davis est un original dans le monde du patinage de vitesse. Il n'a pas de véritable entraîneur et préfère consulter une demi-douzaine de personnes. Il passe la moitié de l'année avec l'équipe de courte piste, une discipline dans laquelle il a longtemps excellé. Il est un self-made-man, pourrait-on dire, si cela n'était pas faire injure à sa mère, Cherie, qui l'a élevé seule dans le South Side de Chicago.

C'est Cherie qui l'a inscrit au patinage de vitesse quand il avait 6 ans. Et c'est elle qui gère aujourd'hui sa carrière. «Sans moi, mon fils serait dans la rue à vendre de la drogue», a-t-elle déjà dit.

Davis est un habitué de la controverse. Son retrait du 500 m a suscité la colère d'un compatriote, Brent Aussprung, qui aurait pu aller aux Jeux si Davis n'avait pas pris sa place sur la distance. À Turin, en 2006, son coéquipier Chad Hedrick, qui espérait imiter le grand Eric Heiden et gagner cinq médailles, l'avait accusé de manquer de patriotisme parce qu'il s'était retiré de la poursuite par équipe, affaiblissant la formation américaine. En fait, Davis n'avait jamais donné son nom pour l'épreuve. US Speedskating l'avait fait à son insu.

La chicane entre les deux hommes semble maintenant chose du passé. Hier, Davis et Hedrick ont paradé ensemble avec le drapeau américain. «Tout ça, ce sont de vieilles histoires. Nous vivons notre rêve et nous avons du plaisir. Nous avons vécu les quatre dernières années pour ça», a dit Hedrick.

La victoire de Davis a eu lieu en présence de l'humoriste et animateur américain Stephen Colbert (The Colbert Report), qui a récolté 350 000 $ auprès de ses fans, l'automne dernier, pour venir à la rescousse de US Speedskating, quand le principal commanditaire de celui-ci, une banque néerlandaise, a fait faillite. En décembre, Davis avait insulté Colbert publiquement, pour des raisons qui n'ont jamais été expliquées. Les deux se sont depuis réconciliés.

Le résultat a par ailleurs sûrement fait grand plaisir au directeur de la haute performance de US Speedskating, le Québécois Guy Thibault. L'ancien responsable du programme courte piste à Patinage de vitesse Canada, tassé sans trop de ménagement après les Jeux de Turin, s'est exilé à Salt Lake City depuis quatre ans pour restructurer le patinage de vitesse américain. Mercredi, deux des siens ont fini sur le podium et deux autres étaient parmi les 10 premiers. Les Canadiens, eux, brillaient par leur absence.

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Le classement du 1000 m masculin:


1. Shani Davis (USA) 1:08.94

2. Tae-Bum Mo (KOR) 1:09.12

3. Chad Hedrick (USA) 1:09.32

4. Stefan Groothuis (NED) 1:09.45

5. Mark Tuitert (NED) 1:09.48

6. Simon Kuipers (NED) 1:09.65

7. Nick Pearson (USA) 1:09.79

8. Mika Poutala (FIN) 1:09.85

9. Kyou-Hyuk Lee (KOR) 1:09.92

10. Trevor Marsicano (USA) 1:10.11

11. Yevgeny Lalenkov (RUS) 1:10.14

12. Jan Bos (NED) 1:10.29

13. Denny Morrison (CAN) 1:10.30

14. Jeremy Wotherspoon (CAN) 1:10.35

15. Mikael Flygind Larsen (NOR) 1:10.38

16. Samuel Schwarz (GER) 1:10.45

17. Tadashi Obara (JPN) 1:10.51

18. Joon Mun (KOR) 1:10.68

19. Havard Bokko (NOR) 1:10.73

20. François Olivier Roberge (CAN) 1:10.75

21. Dmitry Lobkov (RUS) 1:10.795

22. Aleksey Yesin (RUS) 1:10.797

23. Denis Kuzin (KAZ) 1:10.88

24. Kyle Parrot (CAN) 1:10.89

25. Nico Ihle (GER) 1:11.04

26. Teruhiro Sugimori (JPN) 1:11.13

27. Konrad Niedzwiedzki (POL) 1:11.24

28. Roman Krech (KAZ) 1:11.27

29. Ryohei Haga (JPN) 1:11.46

30. Matteo Anesi (ITA) 1:11.51

31. Nan Wang (CHN) 1:11.82

32. Maciej Ustynowicz (POL) 1:12.10

33. Ermanno Ioriatti (ITA) 1:12.15

34. Tuomas Nieminen (FIN) 1:12.26

35. Christoffer Fagerli Rukke (NOR) 1:12.31

36. Ki-Ho Lee (KOR) 1:12.33

37. Keiichiro Nagashima (JPN) 1:12.71

38. Aleksandr Lebedev (RUS) 1:12.78