Ce qu'un mois peut faire en sport! Début décembre, Joannie Rochette était à Tokyo, défaite après sa cinquième place à la finale du circuit Grand Prix. Si elle avait été en Russie, la bouteille de vodka y aurait passé, blague-t-elle. Comme elle n'aime pas le saké, elle a cuvé sa peine sobrement.

«Au Japon, c'était l'enfer», a résumé la vice-championne du monde.

«C'était comme le fond du baril, a abondé son entraîneuse Manon Perron. Un cauchemar. Tu penses à te pincer pour te réveiller.»

Pourtant, hier, Rochette et Perron se taquinaient de bon coeur dans un couloir du centre John Labatt, où se sont ouverts les championnats canadiens de patinage artistique, dernière compétition de sélection pour les Jeux olympiques de Vancouver.

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Rochette venait de compléter son dernier entraînement avant son entrée en scène pour le programme court, aujourd'hui, à 12h19 précises. Elle n'ose pas l'avouer, mais sa qualification olympique est dans la poche. La bataille se fera pour le deuxième poste disponible, probablement entre les Québécoises Cynthia Phaneuf et Amélie Lacoste.

Une compétition personnelle

Pour Rochette, la compétition est personnelle. Elle souhaite ardemment remporter un sixième championnat national consécutif sur la même glace où elle a gagné le premier, en janvier 2005. «On veut toujours aller aux Olympiques en étant première chez soi», a-t-elle ajouté.

Surtout, celle qui a fêté ses 24 ans mercredi dernier veut prendre son élan après une saison largement en deçà des attentes. Ses performances en dents de scie lors de ses trois sorties successives à Pékin, Kitchener et Tokyo, en novembre et décembre, ont soulevé des questions.

«Puis après? a questionné Elizabeth Manley, dernière patineuse canadienne médaillée aux JO, avec l'argent à Calgary en 1988. C'est une année où on n'a pas à se soucier des résultats précédents parce que c'est un processus en vue des Jeux. D'aucune façon ce n'est une année normale. Tu dois constamment construire en vue du grand moment. Donc, quand elle a connu quelques performances inhabituelles selon ses standards, ça ne m'a pas ébranlée du tout. Elle ne m'inquiète pas.»

Jeffrey Buttle tient exactement le même discours. L'ancien champion du monde n'a pas été surpris de voir Rochette, une bonne amie, éprouver des ennuis après sa médaille d'argent aux mondiaux de Los Angeles.

«Quand tu arrives à ce niveau, tu expérimentes et tu modifies des choses à l'entraînement pour éliminer l'écart qui te sépare du sommet», a expliqué le médaillé de bronze des derniers Jeux de Turin, qui est lui-même passé par là. Ça peut être difficile et confondant.»

Ainsi, de retour du Japon, Rochette et Perron ont décidé de revenir à une recette éprouvée. Moins de répétitions de sauts en début d'entraînement - ce qui finissait par la brûler - et plus de routines complètes. «Même si je manquais le premier saut, je pouvais faire le reste. C'est de cette force-là que j'avais besoin.»

L'athlète de l'île Dupas a aussi fini par s'habituer à une nouvelle paire de lames. «Ça fait une différence, surtout pour une patineuse de feelings comme elle», a dit Manon Perron.

Elle a fait le ménage

Submergée de demandes de toutes sortes, Rochette a aussi décidé de faire le ménage. «C'était fou, a dit Perron. On avait de la misère à se parler. Elle a dit stop.»

Ça lui a donné le temps de resserrer ses programmes en compagnie de ses chorégraphes Lori Nichol et Shae-Lynn Bourne. Une longue conservation avec cette dernière, entre deux entraînements à Saint-Léonard, a par ailleurs été un véritable déclencheur. «Il y a eu une journée où c'était vraiment plus difficile, s'est souvenu Rochette. J'ai eu le temps de tout sortir ce que j'avais...»

Bourne se réjouissait de voir Rochette survoler la glace, hier. «Elle avait simplement besoin de s'asseoir un moment pour revenir sur ses compétitions, a dit la championne du monde de danse en 2003. Parfois, tu as besoin d'un reality check: te rappeler qui tu es, où tu vas, pourquoi tu es là. On a tous besoin de ça dans la vie. Quand les choses ne sont pas parfaites, c'est une occasion fantastique de grandir et de devenir meilleure.»

Un mois plus tard, Rochette est à London, avec l'intime conviction d'être en parfait contrôle.