En m'installant à Whistler, j'étais persuadé que j'y trouverais le plus gros party des Jeux olympiques. Je me suis trompé. Mes trois allers-retours à Vancouver me l'ont vite fait comprendre.

La raison est simple: les gens de la place ont déserté le village et, surtout, ses deux montagnes massives. C'est Michel Beaudry, ski bum québécois établi à Whistler depuis 1973, qui l'a le mieux résumé: «Le CIO a fait un party, mais il a oublié d'inviter les gens d'ici.»

Par une belle matinée ensoleillée, Beaudry nous faisait visiter «sa» montagne, le journaliste Simon St-Arnaud, son frère Patrick et moi. Les sommets étaient désertés, à peine 15% de l'affluence habituelle. Beaudry nous a payé la traite sur son «terrain de jeu», entre les arbres de la Khyber Pass. On s'est arrêtés dans un coin tranquille pour qu'il nous raconte l'histoire de la montagne, comme il le faisait autour d'un feu à la brunante pendant les Jeux. Un moment de quasi-recueillement.

Avant de nous quitter, Beaudry a raconté ce que je savais déjà, mais que mes deux compagnons ignoraient. Au printemps, sa femme Wendy Ladner, à qui il était marié depuis 30 ans, a été brutalement assassinée sans motif en faisant son jogging dans un parc de Vancouver. Le meurtre, non élucidé, a fait grand bruit par ici. Issue d'une famille bien connue en Colombie-Britannique, Mme Ladner était très engagée dans le milieu du sport. Un saut de la piste de descente féminine, le Ladner's Roll, a été nommé en sa mémoire.

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J'ai toujours détesté l'expression «nos» athlètes. Comme s'ils nous appartenaient. Permettez que je fasse une exception.

«Mes» athlètes, ce sont Alexandre Bilodeau, Alex Harvey, Charles Hamelin et Joannie Rochette. Depuis l'automne, je leur prêtais ma plume pour le blogue des athlètes de Cyberpresse. J'en profite pour les remercier de leur généreuse collaboration.

Alexandre Bilodeau est le seul que je n'ai pu suivre pendant les Jeux. J'écrivais un texte sur le lugeur géorgien mort tragiquement quand j'ai assisté à sa course sur un écran de télé. Vingt-trois secondes de pure folie maîtrisée. On ne pouvait mieux tomber comme premier champion olympique en sol canadien.

Alex Harvey a prouvé qu'il faisait déjà partie de l'élite en ski de fond. Petit ralentissement au 50 km d'hier. À 21 ans, dans un sport d'endurance, ça se comprend. Lui ne l'entend pas ainsi. «J'ai skié comme de la «marde»», a-t-il. Un futur grand, ça crève les yeux.

Après trois soirées frustrantes, Charles Hamelin a montré pourquoi il était le leader incontesté de l'équipe de courte piste. Deux médailles d'or en 30 minutes pour Charles le timide... sauf sur la glace. Il fallait le voir saluer la foule et embrasser sa blonde Marianne St-Gelais après sa victoire au 500 m. Marianne, double médaillée d'argent, le coup de coeur des Jeux. Deux purs produits du système sportif québécois.

Joannie Rochette. J'écris son nom et mon coeur se noue. Ce furent mes Jeux les plus beaux. Ce furent mes Jeux les plus tristes.