Au départ, plusieurs se demandaient si les Jeux de Vancouver ne seraient pas les pires des 50 dernières années.

Français et Québec bafoués à la cérémonie d'ouverture, un lugeur mort avant même le début officiel des Jeux, une pluie froide et des conditions dantesques à Cypress Mountain, des erreurs et des ratés dans le transport et l'attribution de billets, la presse britannique déchaînée contre Vancouver et les organisateurs, ça sentait la catastrophe.

Deux semaines plus tard, à mon humble opinion, il s'agit des meilleurs Jeux d'hiver que j'aurai couverts... à l'exception de Lillehammer. Mais il n'y aura plus de Lillehammer. Petite ville enneigée, froid piquant et sec, des Norvégiens qui ont complètement

apprivoisé l'hiver, ça ne se retrouve pas ailleurs.

Et puis, des Jeux, ce sont des exploits, des émotions et une ambiance. Des exploits, le Canada en aura de quoi rêver pendant des décennies. Un record de médailles d'or, la victoire du Canada en hockey masculin et féminin, cette première médaille d'or pour le pays chez lui par Alexandre Bilodeau. Tous ces beaux athlètes qui se sont surpassés auront gagné le coeur des Canadiens et des Québécois.

L'ambiance, Vancouver l'aura fournie. Je n'étais pas à Whistler, mais rue Grandville et rue Robson, c'était magique soir après soir. Il a fait beau pendant une semaine et les rues étaient bondées de gens joyeux et fêtards. Même sous la pluie, c'était encore tout plein. Vendredi, les rues étaient belles de monde. Pluie ou pas pluie.

En fait, Vancouver a enfoncé Nagano, Salt Lake, et si je remonte dans mes souvenirs, même Sarajevo. Rien de comparable à la fête de Vancouver.

Et on retient des émotions. Le sport respire des émotions. La joie d'Alexandre Bilodeau quand il a pris son frère dans ses bras était poignante. Mais rien dans toute ma carrière ne m'avait préparé à ce que j'ai vécu mardi soir au Colisée du Pacifique. Quand Joannie Rochette s'est lancée sur la patinoire pour sa période d'échauffement, on a senti une tension et une émotion lourdes peser sur les 14 000 spectateurs.

Son visage aux traits tirés témoignait de ce qu'elle ressentait. Son premier triple saut a fait soupirer Simon Drouin, mon confrère, qui patinait avec elle dans la tribune de presse.

À la fin, c'est lui qui regardait les larmes couler de mes yeux. Mais nous étions 14 002 dans l'édifice. Je n'ai jamais vécu pareille scène dans toutes ces années passées dans le journalisme.

Ces Jeux ont été un succès pour le comité organisateur malgré l'insulte faite le premier soir aux francophones du pays. Et au Québec. John Furlong et son équipe ont travaillé d'arrache-pied. Ils ont bien réagi après les premiers dérapages. C'était essentiel.

J'ai beaucoup aimé les filles du hockey. Et j'ai adoré les voir boire leur bière et leur champagne, et fumer leur gros cigare sur la patinoire après leur médaille d'or. Les faux culs qui les ont

critiquées devraient avoir honte. Ces filles ont consacré quatre ans de leur vie pour gagner cette médaille. Mais je suis convaincu que c'est le cigare qui a fait peur aux faux culs du CIO. D'abord, on parle de tabac, objet de haine sociale et puissant symbole phallique. On donne un cigare à la

naissance d'un bébé pour témoigner de la virilité du père. Et depuis Bill Clinton et Monica Lewinsky, on sait que le cigare ne fait pas que se fumer. Bravo les filles.

Et puis, et c'est bien personnel, j'étais habitué de couvrir les Jeux olympiques en toute petite équipe. Souvent seul, comme à Moscou ou à Sarajevo. Nous étions sept dans le goulag de la rue Kingsway. Huit avec Simon, qui a choisi le luxe de Whistler et sa cousine, faux frère, quand il venait en ville.

Ce fut un plaisir, chaque minute de chaque heure. Du café imbuvable du «déjeuner» à la bière du soir de l'autre côté de la rue. Et je demande pardon à Caroline pour mes shorts et mon polo bleus du matin. Je sais qu'ils étaient un peu défraîchis le seizième matin.

Mais, c'était bien confortable.