Kristina Groves venait de gagner la médaille d'argent dans le 1500 m longue piste, dimanche, quand Gregor Jelonek est venu me trouver dans la tribune de presse.

Gregor est entraîneur national de l'équipe de patinage de vitesse. Il est à Vancouver pour épauler sa collègue Xiuli Wang, l'entraîneuse de Groves et de Clara Hughes. Ex-olympien, aux Jeux de Calgary. Sa blonde, la grande Guylaine Dumont, nous a fait rêver en volleyball de plage aux Jeux d'Athènes.

Un passionné. Avec son collègue Robert Tremblay, il fait des miracles avec des bouts de ficelle au Centre national Gaétan-Boucher, à Québec.

Gregor venait de me dire combien il était fier de Groves, qui a déjà deux médailles à Vancouver, en plus des deux qu'elle avait gagnées à Turin. Mais il a vite embrayé sur ce qui lui tenait vraiment à coeur. Il avait lu les manchettes sur les athlètes canadiens qui déçoivent, sur À nous le podium qui ne donne pas les résultats escomptés. Et il était en colère.

«Regarde les résultats en ski de fond, par exemple. Avant, on finissait 33e ou 50e. Là, on a eu trois gars dans les neuf premiers l'autre jour ! C'est du jamais vu ! On est sur la map. Et en patinage de vitesse, on se fait chier et on reçoit des coups de pied dans le cul, même si on a 15, 20 athlètes dans les tops du monde ! Je trouve ça choquant. On devrait être fiers.»

Ça m'a rappelé ce que me disait Clara Hughes, l'automne dernier. Un jour, quelqu'un quelque part a décidé qu'un podium aurait trois marches. Depuis, hors du podium, point de salut.

C'est stupide. C'est méconnaître le sport. Et c'est méconnaître la dure réalité des Jeux olympiques, où les meilleurs et les plus attendus gagnent souvent (Lindsey Vonn en descente, Christine Nesbitt dans le 1000 m longue piste), mais pas toujours (Vonn dans le super-combiné, Nesbitt dans le 1500).

Oui, il y a des déceptions dans ces Jeux. Après sept podiums en huit courses cette année, Mellisa Hollingsworth aurait dû se retrouver sur le podium en skeleton. Avec les deux frères Hamelin en finale, le Canada aurait dû gagner au moins une médaille au 1000 m courte piste. Denny Morrison avait tous les outils qu'il fallait pour faire mieux que 13e et neuvième au 1000 et au 1500 longue piste - et s'est d'ailleurs excusé publiquement, dimanche, d'avoir blâmé tout le monde sauf lui-même, la veille.

Mais comme le disait l'autre soir l'entraîneur de Nesbitt et de Morrison, Marcel Lacroix, «les Jeux olympiques, ce sont les Jeux olympiques». Le Néerlandais Mark Tuitert venait de battre le grand favori Shani Davis par une demi-seconde dans le 1500 m. C'était sa première victoire en quatre ans ! Ce sont des surprises comme celles-là qui ont fait défaut au Canada depuis le début des Jeux, à part peut-être la médaille d'argent de Marianne St-Gelais en courte piste.

Mais ce n'est pas une raison pour foutre À nous le podium à la poubelle. «À nous le podium, pour moi, c'est une vision, conclut Gregor Jelonek. C'est de montrer aux jeunes qu'on est capables d'être sur le podium. Mais ça prend des investissements qui doivent continuer. Penses-tu que les États-Unis, l'Italie, l'Allemagne ne mettent pas d'argent ?»

Ça presse

Un anneau couvert à Québec, ça presse !

On le sait, les Québécois sont immensément minoritaires au sein de l'équipe de patinage de vitesse longue piste, un renversement complet de la situation qui prévalait il y a 20 ans. Excluant Clara Hughes, formée à Winnipeg et à Calgary, ils sont deux - François-Olivier Roberge et Mathieu Giroux - sur 18 patineurs à Richmond.

Le Québec a pourtant le potentiel de redevenir une superpuissance en longue piste, comme il l'était dans les années 80 et comme il l'est en courte piste. Ne manque qu'une chose : un anneau couvert comme celui de Calgary. «C'est le temps de faire un geste, dit Gregor Jelonek. On a assez attendu. Ça fait 22 ans qu'il y a un anneau dans l'Ouest. C'est le temps qu'il y en ait un dans l'Est.»

Le Québec compte plus de patineurs de vitesse que n'importe quelle province, environ 4900 sur les quelque 11 000 licenciés au Canada. Un anneau couvert donnerait aux jeunes d'ici la chance de côtoyer des patineurs d'élite, comme les jeunes de Calgary peuvent s'inspirer de Hughes,

Christine Nesbitt ou Kristina Groves. Un anneau couvert permettrait d'attirer des compétitions internationales, y compris, peut-être, les Jeux olympiques. Et un anneau couvert ne servirait pas juste à l'élite, mais permettrait aux 7 à 77 ans d'aller patiner sans se les geler. De bouger.

Jelonek a raison. Assez parlé, messieurs les politiciens. C'est le temps d'agir.