Ça aurait pu être une belle histoire de rédemption. Ça s'est terminé autrement, comme la reprise d'un mauvais film.

Jeremy Wotherspoon avait l'occasion de finalement remonter sur un podium olympique, 12 ans après sa médaille d'argent à Nagano, la seule de sa carrière aux Jeux.

Mais le destin en a voulu autrement. Le patineur le plus titré de l'histoire du patinage de vitesse masculin a dû se contenter du neuvième rang du 500m longue piste, à l'Anneau olympique de Richmond, devant une foule de 6601 spectateurs qui rêvaient d'un happy end.

Malheureusement, le patineur albertain de 33 ans a conclu la deuxième manche de l'épreuve en un temps de 35.18 sec., neuf centièmes plus lent que son chrono de la première course. Son cumulatif de 70.28 l'a laissé loin du gagnant, le Coréen Tae-Bum Mo (69.82). Les Japonais Keichiro Nagashima (69.98) et Joji Kato (70.01) ont respectivement gagné l'argent et le bronze.

Cinquième après une manche, Wotherspoon était pourtant en droit d'espérer une médaille. «Quand j'ai vu que j'étais cinquième, je me suis dit que j'ai étais dans la course. J'ai déjà gagné quand je tirais de l'arrière. Je savais que j'avais une chance», a-t-il dit aux journalistes après avoir pris de longues minutes pour se donner une contenance. «La course ne s'est pas passée comme je l'espérais, mais je me sentais mieux que ce que ça a donné. J'essaie de comprendre ce que j'ai fait.»

«Je n'exigeais pas de moi-même un résultat précis, alors en un sens je ne suis pas déçu. Le plus décevant est de me demander si j'ai toujours ça en moi, pas tant mentalement que physiquement et techniquement sur la glace. C'est la première chose qui m'est passée par la tête.»

Wotherspoon a été devancé par son compatriote Jamie Gregg, huitième. Le vétéran et doyen de la compétition, Mike Ireland, 36 ans, qui en était à ses quatrièmes Jeux, a pris le 16e rang, tandis que l'Albertain Kyle Parrott, 24 ans, a fini 21e.

Wotherspoon est sans conteste l'un des plus grands patineurs de vitesse de l'histoire. Sa fiche parle d'elle-même: huit titres cumulatifs de la Coupe du monde, quatre sacres au championnat du monde de sprint et 67 victoires en Coupe du monde, un record absolu. Il détient aussi la marque mondiale sur 500 m. En un mot: un titan.

Mais les Jeux olympiques ont été sa bête noire. Sa médaille d'argent sur 500 m aux Jeux de Nagano, en 1998, aurait dû être annonciatrice de grandes choses. Mais quatre ans plus tard, à Salt Lake City, alors qu'il était le grand favori dans le 500m, il a chuté après seulement quatre enjambées. Au 1000 m, il a terminé loin derrière les meneurs, en 13e place.

Il était censé se reprendre aux Jeux de 2006. Mais ses vieux démons sont revenus le hanter lors de la deuxième course du 500 m et il a glissé de la cinquième à la neuvième place - exactement comme hier. Il n'a pas fait mieux sur son autre distance, terminant 11e au 1000.

Amèrement déçu, Wotherspoon s'est éloigné du patinage de vitesse pendant toute la saison 2006-07, allant entre autres vivre un temps dans une petite ville de la côte norvégienne, près du cercle polaire arctique, sur le conseil de l'ex-directeur du programme canadien de longue piste, Finn Halvorsen.

Revigoré et dirigé par un nouvel entraîneur, l'Américain Mike Crowe, Wotherspoon a renoué avec le succès dès son retour à la compétition, en 2007-2008, établissant un nouveau record du monde sur 500 m (34,03 sec.) dès sa première course et récoltant neuf victoires en 10 épreuves de Coupe du monde. Un quatrième titre de champion du monde sprint l'attendait à la fin de la saison.

Mais le mauvais sort a continué à s'acharner sur Wotherspoon. Sa préparation pour les Jeux a été une véritable course contre la montre. Une grave fracture du bras gauche subie lors d'une chute à Berlin à l'automne 2008 l'a en effet tenu à l'écart de la compétition pendant une saison entière. À son retour sur la glace, en octobre dernier il a terminé sixième aux sélections nationale et ne s'est pas qualifié pour les épreuves d'automne sur le circuit de la Coupe du monde.

Ses coéquipiers Jamie Gregg et Muncef Ouardi lui ont toutefois permis de renouer avec la compétition internationale en acceptant de lui céder leur place lors des Coupes du monde de Calgary et de Salt Lake City, début décembre. Wotherspoon a fait la preuve qu'il avait retrouvé la forme, dominant les essais olympiques, tant au 500 qu'au 1000m, en décembre. La table était mise pour une ultime tentative de conquérir le podium olympique.

Ça ne s'est pas passé comme ça.