Citius, altius, fortius. La devise olympique - «plus vite, plus haut, plus fort» - est le leitmotiv des athlètes depuis plus d'un siècle. Dans des disciplines où les courses se gagnent désormais par des centièmes de seconde, comme en ski alpin, le recours à la science et aux technologies de pointe est aujourd'hui plus important que jamais. Si le corps n'est pas infiniment perfectible, la science, elle, ne cesse de faire des percées. Jusqu'où ira-t-on?

Grâce au programme canadien Top Secret, les lugeurs bénéficient depuis peu d'un système unique d'analyse vidéo en temps réel. Les planchistes profitent d'une meilleure glisse grâce à une plaque de métal posée entre la planche et la fixation. Les patineurs de vitesse, eux, revêtent une combinaison aérodynamique et anti-coupures composée de kevlar. On est loin des patins à tubes et des skis de bois!

 

«On est dans une ère où le sport d'élite est devenu très scientifique, indique Benoît Lamarche, chercheur à l'Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels de l'Université Laval. La technologie et la science sont omniprésentes dans tous les domaines aujourd'hui, le sport n'y échappe pas. L'entraînement, les traitements, l'équipement, la nutrition et la préparation psychologique sont plus raffinés que jamais. On est davantage en mesure d'exploiter le potentiel de l'athlète, et ce, sans hypothéquer sa santé. J'y vois beaucoup de positif.»

«Les sports ont toujours eu un côté scientifique. On n'a qu'à regarder l'évolution des pièces d'équipement au cous des années, indique pour sa part Darren Stefanyshyn, de l'Université de Calgary, leader mondial en recherche sur l'équipement sportif. Certes, l'apport de la science est plus visible et joue un plus grand rôle aujourd'hui, mais c'est un continuum.»

Où doit-on tracer la ligne? La réponse est floue. «On doit faire une différence entre les améliorations apportées à l'équipement et les améliorations qui visent directement le corps humain, comme les drogues ou la génétique, croit Françoise Bayliss, spécialiste en éthique biomédicale et membre du Centre canadien d'éthique sur le sport. S'il n'y a pas de risque pour l'athlète et qu'on peut l'aider sans le transformer, on est plus tolérant. Mais ça pourrait changer. Il n'est pas trop tard pour remettre le sport dans un contexte sain.»

«On devrait imposer de nouvelles normes, affirme pour sa part Christiane Ayotte, directrice du Laboratoire de contrôle du dopage de l'INRS-Institut Armand-Frappier. L'équipement peut être cause d'injustice, on l'a vu avec le maillot LZR en natation. Il faut agir, sinon le sport risque de devenir un cirque et de perdre tout son sérieux.»

Les technologies liées à la performance devraient être interdites «lorsqu'elles dénaturent le sport» et «lorsqu'elles favorisent le succès d'un athlète moins talentueux et moins dévoué au détriment d'un autre plus talentueux et plus travailleur», résume l'Américain Thomas H. Murray dans le récent ouvrage Performance-Enhancing Technologies in Sports Ethical, Conceptual and Scientific Issues (2009, Johns Hopkins). Il est président de l'Institut de recherche en bioéthique The Hastings Center,

«Plus on cherche des avantages en utilisant la science, plus on remet en cause l'essence du sport, croit Françoise Bayliss. Le JO seront-ils réservés aux pays riches qui investissent dans la recherche? Si tout n'est plus que science, on verra de moins en moins de pays participer et de plus en plus d'athlètes changer de nationalité. On perdra la notion de l'effort, des sacrifices et du dépassement de soi.»

Tous ne sont pas de cet avis. «Au-delà des progrès techniques et scientifiques, c'est le sentiment et le talent de l'athlète qui comptent, conclut le skieur Erik Guay. C'est lui qui dévale la piste et franchit la ligne d'arrivée.»