Charles Hamelin a vécu une expérience un peu surréaliste lors de la Coupe du monde de Séoul, en septembre dernier. Sur une patinoire sous-terraine, des dizaines de petits patineurs coréens de 4 à 7 ans s'exerçaient en parfaite symbiose, comme dans une fourmilière. À la queue leu leu, ils franchissaient les virages avec une aisance remarquable.

Hamelin avait beau avoir entendu de nombreuses histoires sur la filière coréenne, il avoue avoir ressenti un choc. Techniquement, le niveau d'un bout de chou de 5 ans n'était pas si loin du sien. Impossible, se disait-il, ébahi. «Ça n'avait juste aucun bon sens», a résumé le médaillé de bronze des derniers championnats du monde.

À ce compte, pas étonnant de voir la Corée dominer de la sorte le patinage de vitesse courte piste.

Guy Thibault, ancien entraîneur canadien, qui dirige aujourd'hui la fédération américaine de patinage de vitesse, constate: «On n'a pas besoin de se mentir: depuis cinq ou six ans, les Coréens font la pluie et le beau temps. Il faut trouver un moyen de les contrer, de leur montrer que les Nord-Américains sont encore là.»

En septembre dernier, lors des deux premières étapes de la Coupe du monde, à Pékin et à Séoul, les patineurs en bleu ont raflé pas moins de 13 des 18 médailles individuelles à l'enjeu chez les hommes.

Une tâche ardue

Hamelin et ses collègues de l'équipe canadienne voudront ébranler cette hégémonie à la troisième Coupe du monde, de jeudi à dimanche, à l'aréna Maurice-Richard. Mais surtout aux Jeux olympiques de Vancouver, dans 101 jours.

La tâche s'annonce particulièrement ardue au 1500 m. «Il n'y a pas de solution magique, rappelle Guillaume Bastille, spécialiste de la distance. Il faut essayer d'être trois Canadiens en finale et ne pas les laisser gérer la course comme ils le veulent.»

Après s'être fait une spécialité des plus longues distances, les Coréens commencent aussi à percer sur 500 m, longtemps une chasse gardée des Canadiens, avec un spécialiste comme Si-Bak Sung.

S'il reconnaît la supériorité coréenne en bas âge, Hamelin ne croit pas que son pays doive adopter un tel régime, qu'il juge quasi militaire et où tout doit être sacrifié - études, vie sociale - à l'autel du patin.

«C'est pour ça qu'on veut les battre: on veut montrer qu'on n'est pas obligés de vivre ça pour être parmi les meilleurs plus tard», a-t-il expliqué, précisant que la rivalité entre les deux pays a été toujours été amicale.

(Ce qui n'est pas nécessairement le cas avec les Américains, a précisé François Hamelin, frère cadet de Charles: «Il y a un genre de guerre entre les deux pays.»)

Aux yeux de Charles Hamelin, un patineur canadien a beaucoup plus de chances de mener une longue et fructueuse carrière qu'un patineur coréen. Il a cité en exemple sa coéquipière Tania Vicent, membre de l'équipe nationale depuis 17 ans et qui aura 34 ans lorsqu'elle participera à ses quatrièmes Jeux à Vancouver.

«La mentalité canadienne fait en sorte qu'elle a encore du plaisir en courte piste et elle est en voie de connaître une de ses meilleures années», a souligné Hamelin.

Personnellement, Hamelin, 25 ans, se voit patiner aux moins jusqu'aux Jeux de Sotchi de 2014. Il projette servir de guide pour la génération montante.

Il n'observe pas la même tendance chez ses collègues coréens. «Yoon-Gy Kwak est encore d'âge junior et il m'a déjà dit qu'il était sûr d'arrêter après les Jeux de Vancouver», a révélé Hamelin.

Simplement, d'autres seront là, déjà prêts à prendre le pas.