Monopoliser un podium de Coupe du monde. Jean-Luc Brassard, Dominick Gauthier et Stéphane Rochon en ont rêvé longtemps, sans jamais y parvenir. Leurs successeurs s'en sont chargés.

Vincent Marquis, Alexandre Bilodeau et Pierre-Alexandre Rousseau ont réussi le triplé historique, hier après-midi, par une journée glaciale à la Coupe du monde de ski acrobatique du mont Gabriel. «Ça fait déjà quelques années qu'on en parle, qu'on se dit qu'on a les capacités. De le faire ici, au Québec, on ne peut pas demander mieux», s'est exclamé Marquis, le vainqueur.

Le 22 février 1995, Brassard, Gauthier et Rochon s'étaient classés respectivement deuxième, troisième et quatrième à la Coupe du monde de Kirchberg, en Autriche. Le regretté Sergei Shupletsov leur avait soufflé la victoire.

Hier, le champion olympique Dale Begg-Smith, dernier à s'élancer en finale, n'a pas été en mesure de jouer les trouble-fêtes. Fidèle à son habitude, l'Australien d'origine canadienne a glissé comme une couleuvre sur les bosses, mais la vitesse et l'amplitude des sauts n'y étaient pas tout à fait. Il a fini cinquième.

Champion méconnu

Quand son pointage a été annoncé, tout le monde a oublié son état de congélation au bas de la piste. Marquis, Bilodeau et Rousseau se sont sauté dans les bras, les yeux exorbités.

Marquis, 24 ans, est le plus méconnu du trio malgré son troisième rang mondial et sa médaille de bronze sur la même piste l'an dernier.

Deuxième des qualifications, Marquis a dû surmonter deux facteurs de stress en finale. D'une part, son jeune frère Philippe, de qui il est très proche, partait deux skieurs avant lui. «J'avais peur que son résultat me perturbe», a-t-il dit. Le cadet a pris le neuvième rang, le meilleur classement de sa carrière.

D'autre part, Marquis avait entendu les scores de Bilodeau et Rousseau. Le polyvalent bosseur de Québec s'est demandé s'il avait les ressources pour les dépasser. Il a pensé à la course pour le seul poste olympique en jeu cette saison au Canada. Ça a été le déclic. «Je n'en reviens pas encore d'avoir été capable. Ça passait ou ça cassait», a-t-il dit.

Modeste, Marquis a refusé de croire qu'il avait atteint le niveau de ses coéquipiers Bilodeau et Rousseau. «Je n'ai encore rien prouvé», a dit celui qui signait une première victoire en simple en Coupe du monde.

Bilodeau, malgré la grippe

Fiévreux et grippé, Bilodeau était le premier surpris d'aboutir sur la deuxième marche du podium. Il avait passé la journée de vendredi au lit, incapable de se lever. Avant la finale, il s'est endormi dans la cabane des patrouilleurs, trop exténué. Son entraîneur Dominick Gauthier lui a dit vas-y, pense à ton bagage d'expérience. «Je ne sais pas comment j'ai fait pour descendre», a dit le skieur de 21 ans, la voix cassée.

Rousseau, champion du monde, n'avait pas connu de résultat probant au Québec depuis sa troisième place à Tremblant en 2003. Il avait la gorge nouée par l'émotion en commentant la présence de ses deux compatriotes sur le podium. «C'est fantastique», a confié le vétéran de 29 ans, gagnant de la première épreuve de la saison, à Méribel, le mois dernier.

Ce podium tout québécois a fait passer dans l'ombre une autre performance canadienne encourageante en vue des Jeux olympiques de Vancouver de 2010. Absente la saison dernière afin de soigner des bobos, la Montrélaise Jennifer Heil a remporté l'argent pour une deuxième Coupe du monde consécutive. La Japonaise Aiko Uemura s'est imposé de justesse, devançant la championne olympique par deux centièmes de point.