« Si tu étais plus sérieux, tu serais meilleur.» Pierre-Alexandre Rousseau ne compte plus les fois où il a entendu cette admonestation. Mais il a choisi de faire les choses à sa façon. Parfois au péril de sa réputation. Le tortueux parcours d'un athlète pas comme les autres.

Pierre-Alexandre Rousseau l'admet sans ambages: «Je n'ai pas sacrifié beaucoup de choses pour mon sport.» Dans la bouche d'un champion du monde, ça sonne un peu drôle.

 

Mais le skieur de bosses de Drummondville est comme ça. Direct, iconoclaste, plus candide que frondeur, il revendique sa différence.

Le Bode Miller du ski acrobatique, tiens! comme nous le faisait récemment remarquer une ancienne bosseuse. «Je n'approuve pas tout ce qu'il dit, mais ça a plein de bon sens», disait Rousseau au déjeuner, mercredi, quelques heures avant de se diriger vers Sainte-Adèle, où il participera aujourd'hui à la Coupe du monde de bosses de Mont Gabriel.

«Il est authentique, relève-t-il au sujet du skieur américain. Il ne fait pas quelque chose parce que ça paraît bien ou parce que tout le monde le fait. Et il n'est pas facile à coacher. Il faut que tu lui vendes ta salade. Je suis aussi comme ça.»

À l'image de Miller, Rousseau ne s'est pas gêné pour critiquer publiquement sa fédération, il y a quelques années. Les choses ont changé, si bien que sous la direction de Peter Judge, l'harmonie n'a jamais été aussi bonne dans l'équipe, affirme le vétéran de 12 saisons.

La comparaison avec Miller lance Rousseau sur les comportements qui lui ont parfois valu d'être sévèrement jugé dans son milieu, en particulier quand il a raté sa qualification pour les Jeux olympiques de Turin, en 2005-06. Il énumère sa propension à mettre la pédale douce à l'entraînement, à couper court à un camp, à sortir avec les copains. Ou sa passion pour la chute libre, une activité un peu risquée pour un athlète de son niveau.

«Tout ça fait que ma vie est très agréable. Si j'ai une vie saine et équilibrée à l'extérieur du sport, je serai équilibré en tant qu'athlète», souligne l'athlète de 29 ans.

Séparation douloureuse

Cette attitude a néanmoins provoqué une séparation douloureuse avec son entraîneur Dominick Gauthier. Rousseau perdait ainsi son meilleur ami, son confident, son partenaire de voyages, son ancienne idole. Une méchante claque qu'il a mis quelques années à absorber. Les deux ont récemment enterré la hache de guerre . «On se reparle, c'est bien correct. On n'est pas amis, mais on coexiste très bien», dit-il, préférant ne pas s'étendre sur la question.

Dans la foulée de cette rupture, Rousseau a connu une série d'insuccès qui lui a fait rater les Jeux de Turin. «Ce fut la période la plus dure de ma vie, parce que le sentiment de compassion n'était pas là. Je ne m'étais pas brisé le cou comme en 2002. J'étais pas bon, j'étais fini, j'étais trop vieux.»

Exclu de l'équipe de Coupe du monde, Rousseau a touché le fond quand il a dû se rabattre sur le circuit de développement NorAm pour une course au mont Sainte-Anne. Une blessure à un coéquipier et l'incapacité d'un autre à assumer les frais de voyages ont toutefois permis à Rousseau de revenir pour la Coupe du monde d'Inawashiro, en mars 2006, où il a fini troisième.

L'été suivant, Rousseau s'est creusé la tête pour trouver la recette qui le ferait mieux skier. Sortir des sentiers battus, à la manière d'un Bode Miller.

Il a trouvé un «truc»... qu'il refuse de dévoiler. «Plein de compétiteurs lisent ce journal-là... Je te le dirai après les Jeux de Vancouver, mais c'est un truc technique, qui a rapport à la position de base en ski.»

En tout cas, ça semble fonctionner. Sentant sa réputation entachée sur le circuit, Rousseau dit s'être refait un nom en montant deux fois sur le podium en duel en 2007. «Quand tu skies contre un autre, les juges voient bien qui est le meilleur», dit-il.

Il a ensuite vécu une véritable rédemption avec une victoire aux championnats du monde de Madonna di Campiglio. «En un an, je suis passé de loser brûlé qui ne fait pas les Jeux à champion du monde...»

Ce matin, Rousseau s'élancera avec le maillot jaune de leader du classement en vertu de sa victoire à Méribel, il y a cinq semaines. Après tous ces hauts et ces bas, il en connaît la valeur et il compte bien le défendre.