Il a traversé les modes, a dû s'adapter aux changements d'équipements et s'est ajusté à l'évolution des épreuves. Quinze ans plus tard, le Québécois Jasey-Jay Anderson est toujours au sommet de son art.

Mardi, Anderson a réussi un autre coup d'éclat dont il a secret, remportant l'épreuve de slalom géant en parallèle des Championnats du monde de surf des neiges de Gangwon, en Corée. Il s'agissait d'un quatrième titre mondial pour le planchiste de 33 ans.

«Je me sens très bien, à mon apogée, a souligné Anderson dans une entrevue transmise par la fédération canadienne. Mais mon dos, mes genoux, mes chevilles, ma tête et mon corps vieillissent... Il y a de l'usure. Il faut vraiment le gérer. Et quand tu te gères, c'est parce que tu te gardes quand c'est le temps d'allumer. Aujourd'hui, j'ai allumé.»

Premier des qualifications, Anderson a franchi avec succès quatre rondes éliminatoires de deux manches chacune. En finale, il s'est imposé face au Français Sylvain Dufour. L'athlète de Mont-Tremblant avait gagné une épreuve de Coupe du monde sur le même parcours, il y a deux ans.

«J'aime la piste, a souligné le champion mondial. C'était assez glacé et raide, avec beaucoup de trous et de grandes variations dans les conditions. Habituellement, ça m'aide quand il faut se battre. Honnêtement, je ne pensais à rien de ça alors c'est un peu une surprise - une belle surprise.»

Malgré sa victoire, Anderson a dû gérer des soucis d'équipements au fil de la journée, comme ce fut souvent le cas pour lui au cours des dernières années. Il a même dû utiliser une planche de rechange en finale après avoir senti un craquement en demi-finale.

D'ailleurs, ce dont ces petits pépins techniques qu'il a d'abord racontés à sa femme Manon Morin lorsqu'il a passé un coup de fil à la résidence familiale de Mont-Tremblant, hier matin.

«Quand il a commencé à me parler de demi-finale et de finale, je lui ai demandé comme ça avait été. Il m'a dit : Pas pire, j'ai gagné !» a raconté Manon, qui revenait d'un avant-midi de ski avec les deux filles du couple, Jora, 3 ans, et Jy, 2 ans. «Ce n'est pas la première fois qu'il fait ça, a-t-elle enchaîné. C'est rare qu'il soit fou de joie, mais je sais qu'au fond de lui, il est au septième ciel. Il avait besoin de ça.»

Depuis quelques années, Anderson a constamment remis sa carrière sportive en question, fatigué des longs voyages. «Même cette année, je me suis demandé si j'allais être capable de me rendre aux Olympiques, a dit l'auteur de 52 podiums en Coupe du monde depuis 1996. C'est tellement difficile d'être loin de la maison. Mes deux petites filles n'ont pas leur papa. Il me semble que ce n'est pas normal d'avoir une famille avec un papa absent. Je me dis que le fait que je continue rechercher les buts que je m'étais fixés au départ va peut-être leur apprendre quelque chose, et que plus tard, elles auront de l'admiration pour leur papa.»

Avec cette victoire, Anderson est assuré de participer aux Jeux olympiques de Vancouver. Selon les règles établies par la fédération canadienne, une médaille d'or aux Mondiaux se traduisait par une sélection automatique dans la liste prioritaire pour 2010. Le soulagement est énorme.

«Un avant les Jeux, c'est assez spécial d'être capable de dire : J'y avais, point, a souligné Anderson, toujours à la recherche d'une première médaille en trois participations olympiques. Quand ils ont instauré cette règle, ils pensaient peut-être que j'étais un peu arrogant, mais je leur ai dit : cette règle-là, elle est pour moi. J'étais certain que j'allais gagner une de ces courses-là.»

Le sacre d'Anderson a couronné une journée faste pour l'équipe canadienne. Défait par le Québécois en demi-finale, l'Ontarien Matthew Morison, 21 ans, a ensuite gagné la médaille de bronze. Jamais le Canada n'avait placé deux surfeurs sur le même podium aux Mondiaux. Du côté féminin, Caroline Calvé, d'Aylmer, a obtenu le meilleur résultat canadien avec une 11e place. Il s'agit d'un résultat remarquable pour la planchiste de 30 ans, qui a subi une reconstruction du genou gauche il y a neuf mois.