Voilà une étape que les enflammés du watt n'auront pas à décortiquer.

Quand Christophe Riblon a vu Tejay van Garderen vaciller à moins de quatre kilomètres du sommet, il n'a pas regardé l'écran de son capteur de puissance. Transporté, le Français s'est plutôt envolé, redevenu léger... comme la ouate.

«Il devait avoir tellement d'adrénaline», dit au téléphone le cycliste québécois Hugo Houle, coéquipier de Riblon chez AG2R La Mondiale. «Un Français, dans l'Alpe, quand il a vu ce qui se passait devant, il a eu un deuxième souffle. On l'a vu tout de suite: il a été transformé.»

S'il avait tendu l'oreille, à sa résidence d'Uriage-les-Bains, un village en banlieue de Grenoble, Houle aurait presque pu entendre la clameur des centaines de milliers de spectateurs quand Riblon a franchi seul la ligne d'arrivée.

Un peu comme tout le monde, Houle était persuadé que van Garderen, excellent grimpeur, se rendrait jusqu'au bout. En plus, pour Riblon, il s'agissait d'une deuxième longue échappée en trois jours. Comme quoi rien n'est jamais écrit en cyclisme sur route.

«Ce que j'ai trouvé vraiment beau dans cette étape, c'est que [Christophe] n'aurait jamais pensé pouvoir gagner à l'Alpe d'Huez en commençant le Tour, enchaîne Houle, 22 ans. Parce qu'il a pris l'échappée, qu'il a été audacieux, un peu comme [David] Veilleux au Critérium du Dauphiné, tu vois l'émotion du coureur. Tu vois qu'il est content. Il braillait quand il a passé la ligne. Je trouve que c'est le fun. Ça fait changement de Froome qui gagne.»

Ça permet aussi de faire passer au deuxième rang le débat sur la probité du Britannique, unique sujet de conversation dans les médias depuis le retour de Houle en France, mardi. "Ça remet une belle touche au Tour, constate l'athlète de Sainte-Perpétue. Et ça vient juste prouver que dans le vélo, tu as tout le temps ta chance. Faut pas que tu te décourages. Ce n'est pas facile, mais à un moment donné, tu as ta journée. Lui, il a essayé, il a été audacieux. Des fois, les gens demandent pourquoi le monde va dans les échappées, que ça ne sert à rien. Une fois sur 10, une fois sur 20, ça marche. Quand ça marche, c'est cool.»

D'autant plus cool pour Riblon qu'il était hypothéqué par des maux de dos en début de saison, au point où il remettait en cause sa participation au Tour. «Il ne marchait pas super bien, se souvient Houle. Il a fait des courses avec moi et il a abandonné souvent à cause de son dos. C'est une belle leçon de courage.»

Venant d'un coureur qui porte encore les marques et un pansement à la suite d'une chute à 70 km/h au Tour de Beauce, il y a plus d'un mois, la remarque a du poids.

Si Riblon et van Garderen ont fait le spectacle devant, la bagarre entre les favoris n'en a pas moins été intéressante. Alberto Contador ne s'est pas dégonflé et a attaqué tel que promis. Avec son coéquipier Roman Kreuziger, lui-même troisième au général, pour la bonne mesure. Bravo pour le cran, même si ça n'a pas fonctionné.

La faute aux Movistar? Un peu, même si le duo Saxo-Tinkoff ne serait pas allé bien loin de toute façon. En tout cas, Contador n'avait pas raison de houspiller ses compatriotes quand ils sont revenus sur lui dans la vallée de la Romanche. Nairo Quintana avait des ambitions bien légitimes, qu'il a d'ailleurs concrétisées.

Pour la première fois, Chris Froome a montré une faille, si petite fût-elle. Ironiquement, il a accru son avance au général. Voyons voir quel effet ça aura aujourd'hui dans le Glandon et la Madeleine.