L'Américain Lance Armstrong, champion cycliste déchu de ses sept Tours de France pour dopage, affirme qu'il «est impossible de gagner le Tour de France sans dopage», dans un entretien au journal Le Monde vendredi, à la veille du départ de la centième édition depuis la Corse.

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«C'est impossible de gagner le Tour de France sans dopage. Car le Tour est une épreuve d'endurance où l'oxygène est déterminant», affirme Armstrong.

Et le Texan d'expliquer: «Pour ne prendre qu'un exemple, l'EPO ne va pas aider un sprinteur à remporter un 100 m, mais elle sera déterminante pour un coureur de 10 000 m. C'est évident.»

Armstrong rappelle dans cet entretien ne pas avoir «inventé le dopage» qui «existe depuis l'antiquité et qui existera toujours». Il pense en outre que la culture du dopage «ne finira jamais.»

«J'ai simplement participé à ce système. Je suis un être humain», dit-il encore.

Interrogé sur BFM TV à propos de ces déclarations et de l'aspect «culturel» du dopage dans le cyclisme, Bernard Hinault qui a déjà dénoncé une volonté de «tuer le Tour» après les récentes accusations de dopage visant Laurent Jalabert, s'est emporté.

«Il faut arrêter de penser que tous les coureurs cyclistes sont des voyous, des drogués ! Moi, ça me désole d'entendre tout ça. Je pense que quand les gens feront exactement ce qu'ils ont à faire, c'est-à-dire de vrais contrôles dans tous les sports, on va rigoler cinq minutes...», a tonné le quintuple vainqueur français du Tour.

«Arrêtons de dire que c'est culturel, merde ! C'est pas possible ! Il y a plein d'autres jeunes coureurs qui sont passés au contrôle et qui n'ont pas été pris ! (...) La suspicion est en permanence. Pensez à autre chose, il y a du vélo, il y a plein de jeunes», a-t-il ajouté avant de mettre un brusque terme à l'entretien en duplex depuis la Corse.

Armstrong, qui «continue à faire du vélo» et à «s'entraîner», indique dans Le Monde qu'il «essaiera de regarder la course à la télévision de temps en temps.»

Concernant Laurent Jalabert, dont on a retrouvé de l'EPO dans les urines prélevées lors du Tour 1998, Armstrong déclare : «Ah, ''Jaja'', avec tout le respect que je lui dois, il est en train de mentir. Il aurait mieux fait d'éviter de parler de Ferrari et de Citroën, car il sait très bien que Michele était le médecin de la ONCE au milieu des années 1990.»

Armstrong a été déchu en octobre de la majeure partie de ses titres et radié à vie après que l'agence américaine de lutte contre le dopage (USADA) l'a accusé d'avoir activement participé au «programme de dopage le plus sophistiqué jamais vu dans l'histoire du sport».

Après des années de dénégations, l'ancien cycliste a avoué mi-janvier, lors d'une confession télévisée, s'être dopé durant sa carrière

«Je ne parviendrai jamais à réparer tout ça mais je passerai ma vie à essayer», conclut Lance Armstrong.

«Armstrong a tort», affirme Pat McQuaid, le patron du cyclisme

Le président de l'Union cycliste internationale (UCI) Pat McQuaid a rejeté «catégoriquement» vendredi les propos de Lance Armstrong dans le journal Le Monde, estimant que l'ancien coureur américain avait «tort» de penser que le Tour de France ne pouvait se gagner sans dopage.

«Il est très triste que Lance Armstrong ait décidé de faire ces déclarations pour le 100e anniversaire du Tour de France. Cependant, je peux lui dire catégoriquement qu'il a tort», a déclaré dans un communiqué l'Irlandais qui dirige l'UCI depuis la fin 2005, soit après la septième Grande Boucle qu'avait gagnée le Texan.

Selon Pat McQuaid, «le point de vue d'Armstrong et ses opinions sont façonnés par son propre comportement et l'époque où il était dans le peloton», mais «la culture au sein de cyclisme a changé depuis l'ère Armstrong et il est maintenant possible de faire la course et de la gagner sans dopage».

«Nous n'avons pas encore éradiqué complètement le dopage, malheureusement il y a toujours des coureurs qui persistent, mais nous les attrapons et l'attitude du peloton à changé envers eux», a insisté l'ancien coureur, qui briguera en septembre un troisième mandat à la tête de la Fédération.

L'Irlandais réfute les attaques plus personnelles de l'ancien roi du peloton qui l'accuse de «tout faire pour éviter le sujet de la commission "vérité et réconciliation"» car selon Armstrong, McQuaid redoute son témoignage qui pourrait le faire plonger.

«Comme je l'ai dit à plusieurs occasions, je n'ai rien à cacher et aucune peur de quelque investigation que ce soit ou processus "vérité et réconciliation". Si Armstrong - ou quelqu'un d'autre - a la preuve du contraire, qu'il la produise maintenant et mette un terme aux dommages incessants causés au cyclisme», a souligné le président de l'UCI.

Il rappelle que l'UCI compte soumettre à un audit externe le rôle joué par ses dirigeants durant les années Armstrong, avec la collaboration si possible de l'Agence mondiale antidopage (AMA).

«Et une fois que l'audit est terminé, l'UCI demeure totalement en faveur d'une sorte de "processus vérité"» pour le cyclisme professionnel», a précisé l'Irlandais.

Il juge encore que les commentaires d'Armstrong «ne font absolument rien pour aider le cyclisme».

«Le cyclisme a aujourd'hui l'infrastructure antidopage la plus sophistiquée dans le sport», a fait valoir Pat McQuaid, pour qui la mise en place du passeport biologique en 2008 notamment a fait prendre un nouveau cap au vélo.

«Nous ne reviendrons jamais en arrière. Et je travaille avec acharnement à ce que nous ayons un sport propre», a affirmé Pat McQuaid.

Cadel Evans: «Je pense le contraire de Lance Armstrong»

«Je pense le contraire, je suis la preuve que ce n'est pas vrai», a réagi le vainqueur du Tour de France 2011, Cadel Evans, interrogé vendredi sur les affirmations de Lance Armstrong posant le dopage comme préalable à la victoire dans la Grande Boucle.

L'Australien de 36 ans, qui n'avait apparemment pas eu connaissance des propos de l'Américain, n'a pas livré plus de commentaires durant la conférence de presse d'avant-Tour de son équipe BMC.

Relancé sur le sujet à la fin de la conférence de presse, il a insisté: «J'en suis sûr (qu'on peut gagner sans se doper), parce que je l'ai fait».

«J'ai toujours cherché à être un exemple pour mes concurrents, pour les jeunes qui regardent le sport, pour tous les gens qui regardent le sport... Je ne contrôle pas ce que les autres font, ce que les autres disent. Ça n'a rien à voir avec moi. Je ne vais pas gâcher de l'énergie à m'énerver, à être revanchard. Je veux juste être un bon exemple, c'est le mieux que je peux faire pour mon sport», a-t-il ajouté.

Interrogé sur un nouveau Tour «éclipsé» par le dopage, Evans a rétorqué: «Éclipsé ou obscurci par l'attention des médias ? Moi, je m'entraîne tous les jours et je n'y pense pas.»

Son équipier, le champion du monde Philippe Gilbert, a également mis en cause les journalistes: «C'est l'importance que vous lui donnez qui est dérangeante. Si les médias ne réagissaient pas, il n'y aurait pas tant de problèmes. Mais ça fait vendre du papier... Nous, on reste concentrés sur le Tour.»