Deux grandes étapes dans les Pyrénées sur la route de Paris, longue encore de 736,5 kilomètres, séparent Bradley Wiggins d'une mémorable première victoire anglaise dans le Tour de France, dimanche prochain, sur les Champs-Élysées.

Comme les (155) autres rescapés d'un Tour qui respecte jusqu'à présent une grande logique, Wiggins a repris des forces, mardi, à Pau (Pyrénées-Atlantiques, sud-ouest). De son hôtel installé près du casino, il a pu contempler la chaîne des sommets illuminés par le soleil. Avec la confiance née d'un sans faute jusqu'à présent et de l'appui d'une équipe Sky qui a réussi à placer un autre de ses coureurs, l'Anglais Chris Froome, à la deuxième place.

«C'est un parcours où tout peut être bouleversé», prévient toutefois le directeur du Tour Christian Prudhomme. «Il y a toujours des Pyrénées et les coureurs vont s'en rendre compte d'autant plus qu'il va faire chaud, peut-être 30 ou 32 degrés».

Le directeur du Tour souligne que les deux prochaines étapes sont complémentaires: «D'abord, l'étape historique de Pau à Luchon, par Aubisque, Tourmalet, Aspin et Peyresourde, avec une arrivée au pied de la dernière descente. Le lendemain, une étape courte, dense, nerveuse, sur le modèle de celle de La Toussuire, par le col de Menté, escaladé sur son versant le plus ardu, et le port de Balès. Sur les 50 derniers kilomètres, il n'y a pas un mètre de plat, au sens propre, jusqu'à la flamme rouge.»

Froome peut-il inquiéter Wiggins sur ce terrain?

«C'est mon équipier», a répété à plusieurs reprises le maillot jaune. Froome, le plus à l'aise en montagne jusqu'à présent, s'est comporté loyalement, hormis une accélération dans le final de la montée de La Toussuire. Rappelé à l'ordre par le biais de l'oreillette, il a attendu son chef de file, légèrement décroché sur le démarrage.

Avec 2 min 05 sec d'avance et la perspective d'un long contre-la-montre (53,5 km) samedi prochain dans la Beauce, Wiggins dispose d'un matelas confortable pour aborder les Pyrénées. Même si l'histoire enseigne que la cohabitation de deux coureurs capables de gagner le Tour ne va pas sans heurts.

«Lorsque deux coéquipiers partagent les mêmes ambitions, il faut qu'il y ait un accord entre les deux. Sky a désigné Wiggins et fait tout pour le protéger», a relevé Bernard Hinault, le quintuple vainqueur du Tour (entre 1978 et 1985) dans sa chronique du Figaro. «Mais, si Froome décide de faire la guerre, il peut gagner le Tour de France».

L'Irlandais Stephen Roche avait remporté ainsi le Giro 1987 en partant à l'avant alors que son coéquipier italien Roberto Visentini occupait la tête du classement général.

Dans le Tour, le vrai-faux duel entre Bernard Hinault et l'Américain Greg LeMond a animé la course en 1985 et 1986. «Il n'y avait pas de rivalité entre nous parce qu'on savait qui allait gagner», a tempéré Hinault. «Tout avait été défini dès le départ. J'avais donné ma parole et je l'ai tenue. L'année d'après, ce fut au tour de LeMond».

Interrogé sur l'éventualité d'une guéguerre interne au sein de l'équipe Sky, le directeur du Tour s'est contenté d'avancer des éléments factuels susceptibles de contrarier Wiggins, auquel il a rendu par ailleurs un hommage appuyé («d'ores et déjà un coureur d'exception»).

«Je me dis que la forte chaleur qui arrive d'un seul coup peut jouer un rôle. L'étape des quatre cols vient au lendemain d'une journée de repos. Comment l'auront-ils géré? Fromme l'aura-t-il mieux géré que Wiggins? Les adversaires de l'équipe Sky en profiteront-ils? Cela fait des points d'interrogation et ça me va bien.»

Quels sont les autres enjeux?

Si Wiggins et Froome sont bien partis pour occuper deux des places du podium final, la troisième est très incertaine. L'Italien Vincenzo Nibali (3e), le mieux placé, possède moins d'une minute d'avance sur l'Australien Cadel Evans (4e). Quant au Belge Jurgen Van den Broeck (5e), il est loin d'avoir dit son dernier mot en montagne.

Pour le maillot vert du classement par points, le Slovaque Peter Sagan n'a plus qu'à rallier Paris, tant son avance le garantit d'une mauvaise surprise. En revanche, le maillot à pois du meilleur grimpeur, porté par le Suédois Fredrik Kessiakoff, est à portée de ses suivants, entre autres Pierre Rolland (2e) pour peu que l'Orléanais se distingue dans les Pyrénées.

Thibaut Pinot, enfin, peut rêver du maillot blanc de meilleur jeune. Mais le benjamin du Tour (22 ans) doit compter sur une défaillance en montagne de l'Américain Tejay Van Garderen, meilleur rouleur.