Dans un Tour de France devenu humain, l'Espagnol Alberto Contador a remporté dimanche à Paris son troisième succès, le plus difficile, face à l'étoile montante du cyclisme, le Luxembourgeois Andy Schleck.

À lui seul, le visage marqué par la fatigue et l'inquiétude de Contador à l'arrivée du contre-la-montre de Pauillac, où il a définitivement assuré samedi son maillot jaune, a symbolisé ce Tour. En rupture avec l'assurance inoxydable des coureurs des années 2000.

De cette course sous grande surveillance, contrôlée par l'Union cycliste internationale (UCI) sous le regard des observateurs de l'Agence mondiale antidopage (AMA), s'est vérifiée un resserrement des valeurs bien qu'un nombre record (170) de concurrents ait rallié Paris.

«Aucune équipe n'a écrasé cette fois», s'est félicité le directeur du Tour, Christian Prudhomme.

Neuf équipes différentes sont représentées aux 10 premières places du classement général individuel. Quant aux succès d'étape, ils ont été partagés entre 11 formations, et ce malgré la supériorité dans les sprints du Britannique Mark Cavendish qui s'est imposé une nouvelle fois très nettement sur les Champs-Elysées.

Les Français ont accaparé 6 victoires (dont 4 en haute montagne), le meilleur total depuis 1997. Le Tour 2010 se révèle donc encourageant pour des équipes françaises qui se contentaient dans un passé récent d'un rôle de simple animation.

Au-delà de ces chiffres, c'est surtout l'absence de démonstration de force répétée au fil des jours qui a rassuré. Entre Contador et Schleck, séparés par l'une des plus faibles marges de l'histoire, le stress a grandi au fil des jours. Jusqu'à la confrontation explosive dans le Tourmalet, qui a éclipsé les autres coureurs, y compris le futur 3e, le Russe Denis Menchov.

Où Schleck a-t-il perdu le Tour ?

L'écart final (39 secondes) correspond précisément à la différence enregistrée à l'arrivée à Luchon, où Schleck avait été retardé par un incident mécanique. La conclusion est tentante... mais hâtive.

Schleck a surtout perdu le Tour au prologue de Rotterdam (42 secondes de retard sur Contador), voire en montagne. Il a simplement fait jeu égal avec le futur vainqueur dans les arrivées au sommet (Morzine-Avoriaz, Mende, Ax-3 Domaines, Tourmalet).

Schleck a aussi constaté les limites de son équipe en altitude, dès lors que son frère aîné Frank a dû abandonner après sa chute sur les pavés de Paris-Roubaix. Hormis dans cette étape (Arenberg), le Luxembourgeois n'a pu tirer parti de la présence de grands rouleurs, le Suisse Fabian Cancellara surtout, à côté de lui.

Contador, vulnérable sur le plat, est apparu en danger à plusieurs reprises. Mais à chaque fois, l'Espagnol a trouvé de l'aide auprès du capitaine de son équipe Astana, le Kazakh Alexandre Vinokourov.

Schleck, qui semblait avoir les jambes et la force pour inscrire son nom au palmarès, doit encore patienter. «J'ai appris», a-t-il reconnu, pour sa troisième expérience dans le Tour soldée comme l'an dernier par une deuxième place.

Le cyclisme est-il devenu un sport de gentlemen ?

Récurrent, le thème du fair-play a pesé sur le Tour dès le troisième jour de course. En demandant (imposant ?) au peloton de se relever pour attendre les coureurs victimes de chutes en cascade, Cancellara a installé l'épreuve sur cette base. Victime consentante de l'opération, le Norvégien Thor Hushovd a peut-être perdu ce jour-là le maillot vert, qui est revenu à Paris à l'Italien Alessandro Petacchi.

Par la suite, Contador et Schleck ont pris soin d'observer un comportement irréprochable, jusqu'à l'incident mécanique du Luxembourgeois au port de Balès. Ce jour-là, l'Espagnol n'a logiquement pas attendu son adversaire avant d'exprimer des regrets passant pour des excuses.

Cet assaut de politesses a culminé au Tourmalet, où Contador s'est abstenu de disputer la victoire à son cadet. Comme l'avaient fait avant lui maints champions (Anquetil, Indurain) concentrés sur l'objectif principal, à savoir le maillot jaune à Paris. Qu'importe dès lors si l'Espagnol n'a pas gagné d'étape...

Sur les fameuses règles non écrites qui seraient censés régir le comportement au sein du peloton, un responsable de l'UCI a résumé le problème: «C'est un faux débat. Avant d'évoquer des règles non écrites, c'est déjà bien de respecter les règles écrites. On n'en demande pas plus !»