Martin Gilbert était en train de peinturer son balcon à Châteauguay quand on l'a joint hier après-midi. Il avait vu le sprint gagnant d'Alessandro Petacchi. Il a accepté de nous le décrypter.

Tout le monde attendait Mark Cavendish. Mais le train de HTC-Columbia s'est désintégré plus tôt qu'à l'habitude. Mark Renshaw, son poisson-pilote, a été obligé d'ouvrir la machine trop tôt.

«À 300-350 mètres, Renshaw commençait déjà à ralentir, a souligné Gilbert. D'habitude, il est assis pour les 100 premiers mètres, puis il se lève pour les 150 mètres suivants et fait pratiquement son sprint final. Aujourd'hui, il n'a jamais eu d'accélération constante. Cavendish est habitué de se faire mener à 200 mètres, 250 mètres maximum, à pleine vitesse. Là, il a été obligé de sprinter à partir de 300 mètres. Même chose pour Thor Hushovd.»

Et 300 mètres d'effort maximal pour un sprinter, en particulier du type de Cavendish, c'est un peu limite. «Si on part à 333 mètres, à 60 km/h, c'est 20 secondes. Quand même assez long. On a le temps de mourir avant la fin.»

Mais attendre derrière Renshaw, qui s'effaçait graduellement, représentait un autre risque. Celui de se faire avaler par une vague qui arrive de derrière. Exactement ce qui est arrivé hier, quand le vieux Petacchi a surgi, propulsé par son coéquipier Danilo Hondo. Cavendish a à peine réagi avant de baisser la tête, déjà vaincu.

«Le gars passe à côté de nous à quatre ou cinq kilomètres/heure plus vite, on n'a plus de vitesse, et on se fait manger.»

Gilbert sait de quoi il parle. Il a fait exactement le même coup à Hushovd lors de la dernière étape du Tour du Missouri, l'automne dernier. Toute la semaine, lui et ses coéquipiers de Planet Energy s'étaient pointés le nez trop tôt à l'avant. Pour ce dernier sprint, qui se déciderait sur une avenue assez large, ils avaient décidé de tenter le coup par l'arrière. «On surfe, on la joue profil bas, on ne touche jamais au vent», détaille Gilbert.

Mais ce n'est pas si évident. Les risques sont nombreux. «Il faut être patient. C'est quand même assez dur. On a plus de chances de chuter quand on est 15e ou 20e que si on est premier ou deuxième. On peut aussi se faire emboîter. On veux donc toujours avoir une ouverture sur le côté. Quelqu'un arrive? Oups, on sort le coude. Ou on lui fait une vague dans la face pour qu'il se tasse...»

Jamais pour envoyer quelqu'un au sol, insiste toutefois Gilbert. Ça prend aussi «un bon coéquipier rapide» pour se faire lancer. Au Missouri, ce fut Keven Lacombe. Surpris, Hushovd, l'actuel porteur du maillot vert au Tour de France, n'avait pas eu le temps de réagir.

«Les deux-trois derniers kilomètres sont pas mal extrêmes, conclut Gilbert. Il y a tellement de nervosité, de stress, d'adrénaline. C'est sûrement le moment de la course où les pulsations sont les plus élevées et où on développe le plus de watts, mais on ne ressent aucune fatigue. On est tellement concentrés, dans notre monde. C'est quand on passe la ligne que ça fait mal.»

Autant que de peinturer un balcon à 34 degrés Celsius?

AUJOURD'HUI: cinquième étape, Épernay-Montargis, 187,5 km. Avec ses petits ponts et ses canaux, Montargis, c'est joli. Mais il ne s'y passe pas grand-chose. Je le sais, j'y ai vécu à l'été 1996. Dans le cadre d'un échange étudiant, je travaillais comme col bleu dans la commune voisine de Villemandeur. C'est là que j'ai découvert L'Équipe et redécouvert le Tour, que la télé québécoise avait abandonné depuis quelques années. Alors, la revanche de Cavendish? Pourquoi pas un coup de force du fou à Robbie Hunter.