Après la fin en queue de poisson de la veille, chapeau bas aux coureurs qui ont offert tout un spectacle dans le bien nommé «enfer du Nord». Non mais, quel déferlement, quel déchaînement dramatique dans la dernière heure de course.

Rarement, en début de Tour, a-t-on été sur le bout de notre siège comme ça. Pour un sport tout en longueurs comme le vélo, c'est assez particulier.

Temporisateur à Spa, Fabian Cancellara, LE grand spécialiste des pavés, n'a cette fois pas fait de quartiers. Et, tiens tiens, jamais ne lui est venue l'idée de ralentir pour attendre les attardés.

Cela dit, Spartacus a repris de plein droit le maillot jaune qu'il avait sciemment laissé filer la veille. Surtout, il a permis à son coéquipier Andy Schleck, et indirectement à son adversaire Cadel Evans, de distancer les autres prétendants à la victoire finale.

Seul pépin pour les Saxo Bank, mais pas le moindre: la perte sur chute de Frank Schleck, le frère d'Andy et celui qui aurait été son plus fidèle allié en montagne.

Pour bien finir, en emmenant Thor Hushovd sur son porte-bagages, Cancellara a réparé le tort qu'il avait causé au Norvégien en raison de la neutralisation de lundi. De la vraie justice poétique.

Mais qu'est-ce qu'on aurait aimé que Ryder Hesjedal puisse se rendre jusqu'au bout! Il ne manquait que cinq ou six kilomètres pour qu'il offre au Canada une deuxième étape au Tour après celle de Steve Bauer en 1988. Si le groupe Menchov-Wiggins avait rejoint celui de Cancellara, probablement que la victoire l'attendait au pied de la tranchée d'Arenberg.

Hesjedal pointe néanmoins au quatrième rang du général, à 46 secondes de Cancellara. Avec la perte de Christian Vandevelde, il paraît logique que le Britanno-Colombien, excellent grimpeur, devienne le coureur protégé chez Garmin.

Michael Barry, l'autre Canadien en lice, s'est lui aussi montré à son avantage. Si Bradley Wiggins et Geraint Thomas (deuxième et maillot blanc) sont bien placés, ils le doivent en bonne partie à leur équipier torontois.

Armstrong grand perdant

Nous voilà à mi-texte et aucun mot sur les deux principaux coqs.

C'est dire l'action qu'il y a eu.

À mes yeux, outre Evans et Schleck, Alberto Contador est le grand gagnant de la journée. Oui, l'Espagnol a cédé 73 secondes, mais le tribut aurait pu être beaucoup plus lourd pour un coureur dont on a largement questionné la capacité à passer les pavés. Comme prévu, Alexandre Vinokourov lui a été d'une aide précieuse.

Contador a quand même soulevé un doute quand il s'est fait décrocher du petit groupe mené par Vinokourov peu avant l'arrivée. Ça lui a coûté 20 juteuses secondes. Était-il à la limite ou a-t-il été simplement victime d'un pépin mécanique, comme il l'a expliqué un peu plus tard? La deuxième option paraît la plus plausible, surtout de la façon dont il a réagi en franchissant la ligne.

Lance Armstrong, lui, est clairement le grand perdant. Plusieurs, dont moi, le voyaient gagner du temps comme en 2004, lors du dernier passage du Tour sur les pavés.

Celui pour qui déjouer le destin est presque un mode de vie n'a, pour une fois, pu provoquer la chance. Une bête crevaison lui a fait perdre une grosse minute. Ses ennemis, nombreux, ont dû se frotter les mains.

Mais quel numéro a fait Armstrong pour revenir dans le quatrième groupe. L'Américain est souvent détestable, mais il faudra se souvenir de son visage barbouillé de poussière noire à l'arrivée. Chapeau.

La grande question: où étaient ses coéquipiers de RadioShack, qu'on disait rompus à l'exercice? Un seul, Popovych, était là pour lui prêter main-forte quand ça a commencé à chauffer. Simple malchance, comme l'a prétendu Armstrong? Difficile à croire. Ce serait étonnant qu'un tel mouvement de désertion se répète en haute montagne.

AUJOURD'HUI: quatrième étape, Cambrai-Reims, 153,5 km. Une étape de transition, courte, sans difficulté, que Mark Cavendish peut difficilement louper, surtout de la façon dont il a passé les pavés. D'autant que Tyler Farrar, touché à un poignet et à un coude, est hypothéqué.

LE TWEET DU JOUR: Lance Armstrong «Yo, c'est quoi tous ces cris dans la chambre d'à côté? Oh, attendez, on partage l'hôtel avec l'équipe Rabobank. Les Pays-Bas ont gagné 3-2.»