Désormais au pinacle du tennis masculin, Novak Djokovic était pourtant destiné à briller sur d'autres sommets.

«Mon père, ma tante et mon oncle étaient tous d'excellents skieurs, membres de l'équipe yougoslave de compétition, a rappelé Djokovic, le mois dernier, après sa victoire à Wimbledon. Ma famille m'a transmis sa passion de la montagne, des pentes et j'aurais bien pu, moi aussi, devenir un skieur professionnel...»

Élevé dans une région montagneuse de Serbie, à Kopaonik, Djokovic a découvert le tennis à l'âge de 6 ans quand trois terrains ont été construits près de la pizzeria de ses parents.

«Si ces trois terrains n'avaient pas été là, je n'aurais probablement jamais commencé à jouer au tennis, a poursuivi Djokovic. Personne dans ma famille n'avait touché à une raquette avant moi et il n'y avait aucun précédent, aucune tradition. Je serais devenu skieur, ou footballeur ou étudiant, tout simplement.»

La mère de Djokovic, Dijana, a raconté à Wimbledon comment son fils avait débuté. La réputée Jelena Gencic, qui a aussi découvert Monica Seles, organisait un camp à Kopaonik quand elle a aperçu un garçonnet le nez collé sur la clôture des courts.

Elle l'a invité à jouer et Novak est revenu l'après-midi même. En quelques jours, il avait déjà rejoint le groupe des meilleurs joueurs et il a facilement remporté la finale du camp, 6-0, 6-1, contre une adolescente de 14 ans.

Vite convaincus du potentiel de leur fils, les Djokovic n'ont ménagé aucun effort afin de lui offrir les meilleures conditions d'entraînement, au prix de lourds sacrifices pour toute la famille. À Wimbledon, quelques minutes après son sacre, le Serbe se remémorait cette époque avec une grande émotion. «C'est sûrement la plus belle journée de ma carrière et je suis vraiment heureux que ma famille soit ici avec moi pour partager ces moments. Je me rappelle les années plus difficiles, quand nous avons dû déménager en Allemagne, quand j'avais parfois l'impression de ne pas progresser... Mes parents m'ont toujours appuyé sans réserve.

«Arriver au sommet est une belle récompense, mais le chemin a été long et difficile. Je pense à toutes ces années d'efforts, de sacrifices», a ajouté Djokovic, avant de prendre une pause, ému par l'ampleur de sa performance.

Un champion public

Longtemps considéré comme un aimable «Djoker» - les Montréalais se souviennent encore de sa performance en sous-vêtements lors du traditionnel défilé de mode qui précède la Coupe Rogers -, reconnu pour ses imitations de ses adversaires, Djokovic a acquis une nouvelle dimension cette saison.

Sa fiche extraordinaire de 48-1, avec 8 titres dont Wimbledon et les Internationaux d'Australie, lui a permis de se hisser au premier rang mondial, nettement devant Rafael Nadal. Et il est pratiquement déjà assuré de terminer la saison au sommet du classement.

«J'ai mis des années à comprendre comment je pouvais vaincre Rafa (Nadal) ou Roger (Federer), a reconnu Djokovic à Wimbledon. J'avais développé une certaine jalousie, c'est vrai, parce qu'ils réussissaient toujours à bien faire dans les grands rendez-vous.

«J'ai mis de l'ordre dans ma vie à la fin de 2010 et cela m'a permis de prendre en mains ma carrière. Gagner la Coupe Davis avec la Serbie a été une expérience très émouvante et j'ai acquis à ce moment-là la conscience qu'un champion a un rôle à jouer dans la société, qu'il se doit d'être un modèle.»

Au contraire de ses prédécesseurs, Nadal et Federer, Djokovic semble vouloir être un numéro un très public. Depuis Wimbledon, il a multiplié les séances de photos, seul ou avec sa copine Jelena Ristic, pour des périodiques comme Vogue, Paris-Match ou Hello! .

Plus tôt cette semaine, il était à Los Angeles pour les émissions de Jay Leno et de Conan O'Brien. Encore «bouffon», il n'a pas hésité à rejoindre une troupe de danse folklorique de son pays, avec l'actrice américaine Katie Holmes, et il s'est montré très détendu devant les caméras.

Il a notamment parlé de son régime alimentaire sans gluten, auquel il attribue sa meilleure forme physique, sa grande résistance et une partie de ses succès. «Ce n'est pas toujours facile, chez moi à Belgrade, quand tous mes amis dévorent des pâtisseries et que je me contente de les regarder, a-t-il avoué à Leno. Il y a du pain sans gluten, mais ça goûte un peu la styromousse...»

Djokovic étrennera son premier rang mondial, cette semaine, à Montréal. Vainqueur au stade Uniprix en 2007, il tentera de poursuivre sa saison de rêve.

Boris Becker disait à Wimbledon que le jeu complet et le physique du Serbe pourraient lui permettre d'occuper le premier rang très longtemps. «Mais il ne suffit pas d'avoir les moyens, a-t-il précisé. Durer est extrêmement difficile. Federer a réussi. Nadal aussi.

«C'est maintenant au tour de Novak de démontrer qu'il a les qualités mentales pour dominer le tennis pendant une longue période. Ce sera son prochain défi et il sera encore plus dur que tous ceux qu'il a relevés jusqu'ici.»