À 18 ans, Milos Raonic avait une balle de match contre Fernando Gonzalez, 10e raquette mondiale, avant de s'incliner au terme d'un match marathon. Une performance spectaculaire qui lui a valu l'appel d'un chef d'État.

Étonnamment, ce n'est pas le premier ministre canadien Stephen Harper qui s'est manifesté (il n'est d'ailleurs pas le chef de l'État, mais du gouvernement canadien). L'appel provenait plutôt du président de son pays natal, le Monténégro. «Il a étudié au secondaire avec mon père et il l'a appelé pour lui demander de me féliciter», a dit Raonic, 679e joueur mondial, au lendemain de son match mémorable, mardi soir, sur le court Banque Nationale. Il faut dire que la famille Raonic a ses entrées au gouvernement: l'oncle de Milos est le ministre des Finances du pays.

Né au Monténégro, Milos Raonic a déménagé avec sa famille en Ontario à l'âge de 3 ans en raison de la guerre en Yougoslavie. Il est encore attaché à son pays d'origine - il parle serbe et visite sa famille là-bas tous les ans -, mais pas au point de jouer la Coupe Davis pour le Monténégro, assure-t-il. Même s'il y est plus populaire qu'au Canada. Mardi soir, son match contre Gonzalez n'était pas télédiffusé à RDS ni à TSN, mais sur une chaîne sportive du Monténégro, en pleine nuit.

Malgré sa popularité dans son pays natal, c'est au Canada qu'il s'est découvert une passion pour le tennis à l'âge de 8 ans. Habitué à jouer au hockey dans la rue avec ses voisins, il rentrait toujours à la maison le corps couvert d'ecchymoses. Son père, un ingénieur nucléaire, lui a alors suggéré le tennis. Raonic s'est présenté au club local de Thornhill. Le verdict: l'enfant n'est pas assez fort, mais on lui donnera peut-être une chance dans six mois. Il s'est entraîné sans relâche avec un lance-balles quatre heures par jour, cinq jours par semaine. Un an plus tard, il était le meilleur espoir du club.

À 13 ans, il a connu une poussée de croissance phénoménale qui lui a permis de servir ses boulets de canon. Après une carrière junior sans histoire sur le circuit international, il a obtenu une bourse d'études de l'Université de la Virginie, classée numéro un au tennis dans la NCAA. En août 2008, seulement un mois avant le début des cours, Roanic est passé chez les pros. «J'ai fait un pacte avec mes parents, a-t-il dit. Je vais faire des cours par correspondance jusqu'à ce que je devienne 200e au monde. Cette année, j'ai fait des cours en finance et j'ai appris le français, mais j'ai hâte au jour où je serai 199e au monde et déchargé de cette obligation...»

En mars dernier, Raonic a remporté son premier titre professionnel: le Futures de Montréal, un tournoi de 10 000$ disputé au stade Uniprix. L'exploit n'est pas banal, car le jeune Canadien avait dû passer les qualifications. Le mois suivant, Raonic s'est toutefois fracturé une main en tombant sur le terrain.

Son retour au jeu n'a pas été éclatant. Jusqu'à samedi dernier, alors qu'il s'est payé son premier top 100 lors des qualifications de la Coupe Rogers. Le lendemain, le géant de 6'5 a répété et est devenu le premier Canadien depuis 1986 à se qualifier pour le tableau principal de la Coupe Rogers. Mardi soir, devant une foule déchaînée sur le court Banque Nationale, il est passé à un point de vaincre un top 10 mondial. Avec sa performance, son classement devrait bondir de 130 rangs lundi prochain afin de s'établir aux environs du 550e rang mondial.

À chacun de ses matchs à la Coupe Rogers, Raonic, 18 ans, a affiché le calme d'un vétéran. Une attitude difficile à concilier avec sa réputation de joueur colérique acquise dans les rangs juniors. «Au cours des dernières semaines, j'ai eu une révélation: je ne dois plus me laisser distraire par plein de petites choses sur le terrain, a-t-il dit. Garder mon calme, c'est nouveau pour moi, mais ça semble fonctionner...»