Il n'a fallu que quelques mois à Milos Raonic pour passer du statut d'espoir doué à celui d'authentique champion. Champion de l'Omnium SAP, dimanche à San Jose, Raonic est le premier véritable joueur canadien de premier plan depuis Greg Rusedski, il y a 15 ans.

«Je n'ai pas dormi depuis dimanche matin!» a-t-il raconté aux médias canadiens, hier, en conférence téléphonique, quelques heures après sa victoire devant l'Espagnol Fernando Verdasco, neuvième joueur mondial. Sollicité de toutes parts, le joueur de 20 ans prend rapidement conscience qu'il a accédé à un autre niveau.

«Je commence à réaliser que ce premier titre va changer bien des choses, a-t-il souligné. C'est ce que je souhaitais, mais cela est allé un peu plus vite que je ne l'aurais cru...»

Avec ses services de plomb et son coup droit imparable, Raonic, du haut de ses 6'5'', est déjà l'un des jeunes joueurs les plus craints du circuit professionnel. «J'ai encore beaucoup de choses à améliorer, a-t-il rappelé, avec beaucoup de sagesse. Je vais travailler sur mes retours de service et ma mobilité en général. Sur le plan tactique, je devrai améliorer mes transitions entre le jeu défensif et le jeu offensif.»

Raonic devra également apprendre à briller sur toutes les surfaces, un exercice difficile quand, comme lui, on a appris sur le ciment.

Milos est né au Monténégro et parle couramment le serbe. Sa famille s'est établie dans la région de Toronto alors qu'il avait 3 ans et ses parents y vivent encore. Son frère et sa soeur sont toutefois retournés au Monténégro après leurs études universitaires et Milos y retourne lui aussi chaque année pour retrouver sa famille élargie.

«C'est une question d'équilibre, explique-t-il. Je suis resté proche de mes grands-parents et de ceux qui vivent là-bas. Quand j'y retourne, il n'est jamais question de tennis. Ce sont des vacances et des retrouvailles.»

Des débuts difficiles

C'est au Canada que Raonic a été initié au tennis. «J'ai débuté à l'âge de 8 ans. Mon père m'entraînait à l'aube ou au crépuscule, parce que c'était moins cher, et il utilisait une vieille machine à lancer les balles.»

Le professionnel du club Blackmore à Richmond Hill, Casey Curtis, a finalement accepté de lui enseigner et il est demeuré son entraîneur jusqu'à 2007, quand Raonic a fait son entrée au Centre national d'entraînement.

«Je suis arrivé à Montréal en 2007 et j'ai travaillé deux ans avec Guillaume Marx, a expliqué Raonic. En 2010, j'ai commencé à m'entraîner avec Frédéric Niemeyer et il m'a beaucoup aidé. Cela a vraiment été une année charnière pour moi.

«À l'automne, j'ai déménagé à Barcelone pour aller m'entraîner avec Galo Blanco, entraîneur espagnol sous contrat avec Tennis-Canada. Je reste d'ailleurs en contact permanent avec Louis Borfiga, patron du Centre national, qui m'aide à planifier mes tournois et mon calendrier d'entraînement.

«C'est grâce à Tennis Canada que je suis ici aujourd'hui. Vivre à Montréal m'a aussi beaucoup appris sur les cultures et la diversité canadienne. Cela m'a bien préparé à la vie de joueur professionnel et à tous les voyages.»

Personne n'a oublié comment Rusedski, Montréalais d'origine, a fait «défection» en 1995 pour porter les couleurs de la Grande-Bretagne. Doit-on craindre un éventuel départ du sympathique géant au visage de chérubin?

Interrogé sur des rumeurs en provenance du Monténégro, Raonic a expliqué: «Je n'ai jamais été sondé pour jouer pour mon pays d'origine et ma position est très claire à ce sujet. J'ai déjà joué pour le Canada en Coupe Davis et je continuerai de le faire.»

Et maintenant

Désormais 59e joueur mondial - une progression de presque 100 places depuis le début de l'année! -, Raonic s'approche à grands pas de ses objectifs très élevés.

«On a entendu toutes sortes de prédictions depuis sa victoire, rappelle Louis Borfiga. Il faut être prudent. C'est très difficile d'atteindre le top 10, tant de choses peuvent arriver. Mais le plus important, c'est que Milos lui-même se croit capable de le faire et, au fond, il est la seule personne qui doit le croire.»

Arrivé au Canada en 2006, Borfiga a tout de suite repéré Raonic, même si le jeune joueur n'obtenait pas beaucoup de résultats à l'époque. «J'ai vu quelque chose en lui et j'ai poussé pour qu'il vienne au Centre, rappelle-t-il. Nous avons créé une relation de confiance depuis et il m'a consulté pour toutes les décisions importantes de sa carrière.

«L'automne dernier, quand Fred (Niemeyer) a renoncé à le suivre dans les tournois, c'est moi qui lui ai conseillé de travailler avec Galo (Blanco). Il avait autre chose en tête, mais il m'a écouté. Je ne sais pas s'il m'écoutera encore longtemps, a ajouté Borfiga à la blague, mais il a une bonne tête et une bonne attitude.

«Il est aussi un bon champion et nous sommes tous fiers de la façon dont il s'est comporté depuis le début de l'année et encore dimanche après sa victoire.»