À l'aube de sa carrière chez les professionnels, en 2008, à l'âge de 17 ans, Milos Raonic n'avait jamais franchi le deuxième tour d'un tournoi du Grand Chelem junior.

Félix Auger-Aliassime entamera la sienne auréolé du titre de champion junior des Internationaux des États-Unis... à 16 ans, un exploit inégalé pour un garçon de son âge, tous pays confondus.

Son entraîneur Guillaume Marx l'admet, son protégé est en avance sur le champion canadien et actuel sixième joueur mondial au même âge, mais il se garde bien de bomber le torse.

«Il a moins de failles que Raonic au même âge. Ce n'est pas du tout le même profil de joueur. Il est beaucoup plus mature au même âge, mais ça ne veut rien dire pour la suite. Faire mieux que Milos, c'est-à-dire le quatrième rang mondial, on n'en est pas là, on en est loin, mais Milos n'était pas au même stade de développement au même âge.»

Raonic était d'abord un serveur puissant de 6 pi 5 po, redoutable sur les surfaces ultra-rapides, dont le jeu en fond de terrain, puis au filet, avait besoin de travail.

«Ce sont des joueurs physiquement et psychologiquement différents. [Félix] est un attaquant de fond de court, capable de développer un jeu complet, un peu un mélange entre un [Andre] Agassi et un [Jo-Wilfried] Tsonga sur le plan du style.» 

«Il n'a pas de failles majeures, mais il est améliorable sur tous les coups. Il est quand même assez complet, ses points forts sont vraiment forts.»

Auger-Aliassime a battu le premier joueur junior mondial, Stefanos Tsitsipas, 6-4 et 7-5 en demi-finale, avant de démolir le Serbe Miomir Kecmanovic 6-3 et 6-0 en finale.

Circuit professionnel

Guillaume Marx et la direction de Tennis Canada jonglent avec l'idée de mettre une croix sur la carrière junior du jeune Québécois et de se consacrer exclusivement aux tournois du circuit professionnel.

«S'il en dispute encore [l'an prochain], ça sera deux ou trois au maximum, mais il est possible qu'il n'en joue plus du tout, dit Guillaume Marx. Maintenant qu'il a gagné, il a encore plus achevé cette étape-là. Les tournois juniors, c'est un passage, une étape vers le circuit, et quand on sent que le joueur a suffisamment de résultats, de maturité, de physique pour tenir le circuit professionnel, on essaie de ne pas le retenir. Si vous êtes trop fort sur un certain circuit, votre progression est freinée par le fait que les adversaires sont inférieurs.»

L'entraîneur du jeune homme affirme qu'on avait toutefois prévu, avant même sa victoire à Flushing Meadows, une réduction importante de tournois juniors au profit de tournois professionnels.

«Ça ne dépendait pas de ce résultat. Ça fait pas mal de temps qu'on le projette. Cette victoire demeure une étape importante, ça le réconforte et ça nous réconforte à savoir qu'il est sur une trajectoire particulière, mais on a fait des objectifs sur plusieurs saisons et ça n'aurait pas changé grand-chose s'il avait perdu tôt.»

Déjà, cet été, ses résultats lors de tournois professionnels, une finale lors de tournois de catégorie Futures en Espagne, sa façon de se défendre contre des joueurs du top 250 au monde ont convaincu son entourage qu'il avait progressé suffisamment pour faire le saut.

«Il a quand même eu de brillants résultats cet été, même sur le circuit professionnel. Ç'aurait été trop dur de le jeter à temps plein sur le circuit. Mais maintenant, il a un an de plus, il est plus fort, on sent qu'il est prêt à tenir. D'après nous, il est prêt à faire la transition.»

La charge de travail ne sera pas beaucoup plus imposante, seulement le calibre de ses adversaires.

«Les tournées seront un peu plus longues, mais en nombre de semaines, ça ne sera pas très différent, peut-être cinq tournois de plus, mais il y a des périodes d'entraînement et de récupération de prévues. Une saison de tournois pros comporte environ 25 tournois. Cette année, il fera à peu près pareil, entre 23 et 25 tournois, mais une dizaine de tournois juniors qu'il remplacera par des tournois pros. On parle donc de 25 semaines de voyage par an, en plus de semaines d'entraînement à l'étranger. Il sera en voyage les deux tiers du temps.»

Pas question, toutefois, qu'Auger-Aliassime abandonne l'école. «Pas dans un avenir rapproché, dit son coach. Il va finir au moins son secondaire. Au Centre national, on a un professeur qui nous aide à temps plein. Comme on est rongés sur le plan du temps avec leurs horaires et leurs voyages, on gagne un peu en efficacité avec un professeur qui est capable de dispenser des cours sur le lieu du Centre national ou à distance. Quand il est en tournoi, il peut amener des choses et contacter son professeur. C'est un service un peu personnalisé, mais on doit passer par là.»

Félix Auger-Aliassime a tout le potentiel du monde. Par contre, une victoire au tournoi junior des Internationaux des États-Unis ne garantit pas une grande carrière chez les pros.

Un autre Canadien, Filip Peliwo, a gagné le même tournoi en 2012. Quatre ans plus tard, il n'a toujours pas percé le top 200 mondial.

«La différence, c'est que Peliwo mesure 5 pi 9 po alors que Félix mesure 6 pi 2 po, prévient Simon Larose, de Tennis Canada. C'est hyper dur de réussir sur le circuit masculin quand tu es petit comme ça, alors que la taille est moins un facteur au niveau junior. Félix obtient déjà des points gratuits au service en raison de sa taille, ça n'est pas la même game du tout. Il va continuer à se développer et quand il aura mis 10 livres de plus, une fois chez les pros, sa balle va être plus puissante encore.»

Pas de congé pour le jeune champion. À peine rentré à Montréal, dès demain, il s'envole pour la Hongrie afin de défendre le titre du Canada à la Coupe Davis junior...