Kei Nishikori peut devenir le premier Asiatique à remporter un titre du Grand Chelem, mais son adversaire lundi en finale des Internationaux des États-Unis, Marin Cilic, veut aussi saisir l'occasion inhabituellement offerte par le «Big Four».

Avant même le premier échange, la finale masculine du dernier tournoi majeur de la saison est historique!

Pour la première fois depuis janvier 2005 et la finale des Internationaux d'Australie, remportée par le Russe Marat Safin face à Lleyton Heywitt, ni Novak Djokovic, ni Roger Federer, ni Rafael Nadal ni Andy Murray n'est en finale d'un Grand Chelem.

Et pour cause, les derniers représentants du «Big Four», ce club très exclusif qui monopolise les titres majeurs - 36 des 38 derniers -, ont été assommés par Nishikori et Cilic en demi-finales samedi.

Le Japonais, 24 ans et 11e mondial, a fait mordre la poussière au numéro 1 mondial Djokovic 6-4, 1-6, 7-6 (7/4), 6-3.

Le Croate, 26 ans et 16e mondial, a foudroyé en trois sets (6-3, 6-4, 6-4) Roger Federer et ses 17 titres majeurs.

Nishikori a fait forte impression avec deux matchs marathon, dont l'un se terminant à 2h26 du matin, égalant le record dans l'histoire des Internationaux des États-Unis.

Seul en Floride à 14 ans

Le discret Japonais a surtout battu coup sur coup les têtes de série nos 5, 3 et 1 du dernier tournoi majeur de l'année, à savoir le Canadien Milos Raonic, le Suisse Stanislas Wawrinka et Djokovic.

Une série d'autant plus impressionnante qu'il a subi une petite intervention chirurgicale début août pour enlever un kyste à un pied et n'a pas joué les trois semaines précédant les Internationaux des États-Unis.

«Je me suis même demandé si cela valait la peine de venir à New York, je n'avais vraiment aucune attente», a-t-il assuré.

Nishikori est habitué à relever des défis: il a quitté sa famille à 14 ans pour rejoindre l'académie de Nick Bollettieri en Floride, sans parler le moindre mot d'anglais.

L'adolescent de Matsue (sud-ouest du Japon), fils d'un ingénieur et d'une professeur de piano, a tapé dans l'oeil de Bollettieri, qui a formé notamment André Agassi, Jim Courier ou Monica Seles.

«Kei a des main et des jambes extraordinaires», a rappelé Bollettieri, admiratif de la rapidité, de l'endurance et de la puissance de son ancien protégé, qui vit et s'entraîne en Floride.

Nishikori débarque au départ avec un plan de carrière baptisé «Projet 45». Objectif, dépasser le meilleur classement jamais atteint par un joueur japonais: Shuzo Matsuoka, 46e mondial en 1992.

Mais très vite, il vise plus haut: il remporte son premier tournoi de l'ATP en 2008, année où il reçoit le trophée de révélation de l'année. Après une saison blanche en 2009, à cause d'une opération à une épaule, il fait son entrée dans le top 30 mondial en 2011.

Le précédent Li Na

Son ascension est freinée par des blessures, encore cette année où il est contraint à l'abandon à Miami, après avoir battu en quart de finale Roger Federer, ou en finale du Masters 1000 de Madrid, où il dominait le roi de la terre battue, Rafael Nadal.

«Cette année, il a vraiment percé et je ne serais pas surpris que cela profite au tennis masculin en Asie», s'est félicité son entraîneur Michael Chang, Américain d'origine chinoise, vainqueur de Roland-Garros en 1989.

L'Asie, la Chine en particulier, a déjà été saisie par la fièvre du tennis après la victoire à Roland-Garros en 2011 de Li Na, première Asiatique sacrée en Grand Chelem et star de son pays.

Nishikori est déjà l'un des joueurs les plus convoités du circuit par les annonceurs, dont le géant japonais de l'habillement Uniqlo (NDLR: Cilic est lui habillé par le... Chinois Li Ning!), ce qui lui assure 11 millions de dollars par année.

Un titre le propulserait dans une autre dimension, mais Cilic a lui-aussi une mission: faire oublier ses quatre mois de suspension pour dopage en 2013 et succéder à son entraîneur Goran Ivanisevic au palmarès du tennis croate.

«En début d'année, j'ai dit qu'il finirait dans le top 10, peut être que certains ont pensé que j'étais fou. C'est la première finale pour les deux, et le vainqueur sera au sommet du monde, au sommet de l'Everest lundi», a résumé Ivanisevic.