Avant de reconquérir Roland-Garros, Rafael Nadal a traversé une année tumultueuse marquée par des problèmes physiques et d'ordre personnel qui l'ont, en fin de compte, fait grandir.

De Paris 2009 à Paris 2010, depuis sa défaite cauchemardesque contre Robin Soderling en huitièmes de finale l'an dernier jusqu'à la douce revanche, et les larmes de bonheur, face au même Suédois dimanche, le Majorquin a vécu les douze mois les plus intenses de son existence, placée jusque-là sous le signe exclusif d'une précocité et d'une réussite fulgurantes.Professionnel à 15 ans et vainqueur de son premier Roland-Garros seulement quatre ans plus tard, Nadal a longtemps filé droit sur un chemin lisse et sans accroc. Il a mené grand train avec son grand rival Roger Federer, auquel il reprendra la place de N.1 mondial lundi et avec qui il aura tout raflé, sans jamais se retourner, sûr de sa force.

L'homme sans chichi semblait, comme le joueur, inébranlable, menant loin des courts une vie simple faite de parties de pêche entre copains et de repas familiaux à Manacor, sur son île aux trésors de Majorque.

C'est ainsi qu'il est arrivé l'année dernière à Roland-Garros, détenant trois titres du Grand Chelem en même temps, N.1 mondial et plus favori que jamais. La chute a été d'autant plus douloureuse. Battu en quatre sets par Soderling, il quitte alors le tournoi les genoux en vrac et le moral dans les chaussettes pour s'engouffrer dans «la pire période» de sa carrière.

Touché physiquement, il renonce à défendre son titre à Wimbledon, perdant sa place de N.1. Au même moment, une blessure plus intime le mine avec le divorce de ses parents, un déchirement pour ce garçon très famille, entraîné depuis toujours par son oncle Toni.

«Le jour le plus émouvant de ma vie»

Sur le court et en dehors, l'équilibre est rompu, pour la première fois. «Pendant un mois, j'étais hors du monde», se rappelle Nadal dont les blessures sont encore à vif lorsqu'il revient sur le circuit à la fin de l'été dernier.

Pendant quelques mois encore, Nadal ne sera le plus souvent que l'ombre de lui-même, comme au Masters où il perd ses trois matches sans gagner un set.

Seule la victoire en Coupe Davis début décembre lui offre une petite éclaircie, mais lui sait que cela ne suffira pas. Deux jours plus tard, il est déjà de retour à l'entraînement pour préparer la reconquête.

«J'ai montré beaucoup de caractère pour revenir à mon meilleur niveau, j'ai travaillé très dur, c'est ce qui me rend le plus fier.» Mais avant d'en retirer le bénéfice, le chemin est encore long puisqu'il perd son troisième titre majeur à l'Open d'Australie et rétrograde jusqu'au quatrième rang mondial.

C'est alors que la terre battue arrive à son secours. Dès qu'il pose les pieds dessus, il revit et remporte à Monte-Carlo son premier titre en onze mois, la plus longue disette de sa carrière, en ne laissant que quatorze jeux à ses adversaires. Une libération.

Il enchaîne par des victoires à Rome et à Madrid pour une trilogie inédite. Sa confiance revient au fil des victoires et cette fois pas le moindre bobo à l'horizon. Reste à concrétiser à Roland-Garros.

Il est «très nerveux» tout au long de la quinzaine. Il sait bien que seul un cinquième titre à Paris lui permettra de tourner définitivement la page.

Alors, lorsqu'un dernier revers de Soderling atterrit dans le filet, l'explosion de joie est immense, plus intense que jamais. «C'est le jour le plus émouvant de ma carrière», lance-t-il, en français, au public parisien, témoin de départ et d'arrivée d'une année aussi éprouvante que riche.