Elena Dementieva va finir par croire qu'à Roland-Garros, elle est poursuivie par une étrange malédiction.

À deux reprises depuis 2004, la voie s'était trouvée miraculeusement dégagée pour le titre: les grandes favorites, qu'elle n'avait pas les moyens de battre, avaient été éliminées en cours de route et elle devenait à son tour la favorite des pronostics. Et à deux reprises, elle avait échoué à tirer parti de la situation. En 2004, au sommet de sa forme, elle avait battu six joueuses à Roland-Garros pour arriver en finale. Face à elle, sa compatriote Anastasia Myskina, moins bien classée, et qu'elle ne devait avoir aucun problème à dominer. Sa prestation en finale fut désastreuse et elle fut balayée par Myskina, qui devait bientôt replonger dans les profondeurs du classement.

Six ans plus tard, une occasion unique se présentait de nouveau à elle, avec l'élimination précoce de Justine Henin et Serena Williams, mais aussi de Maria Sharapova, Svetlana Kouznetsova et Venus Williams. Une fin de tournoi ouverte comme jamais, et peut-être la dernière occasion pour Dementieva, à 28 ans, de remporter son premier titre du Grand Chelem. En tout cas, elle était donnée largement favorite en demi-finale face à l'Italienne Francesca Schiavone, 30 ans dans deux semaines et modeste 17e mondiale.

Et puis, soudain, à l'issue du premier set, bizarre et très disputé, le coup de théâtre qu'on n'avait pas vu venir: sans avoir manifesté jusque-là aucun malaise physique, la grande Russe se cache le visage de la main pour masquer ses larmes, se dirige vers son adversaire, lui serre la main, et fait de même avec l'arbitre: «I stop.» Même pas d'appel au kiné ou de retour temporaire au vestiaire pour consulter un soigneur. L'affaire, de toute évidence, était sérieuse: une déchirure au mollet gauche qui l'empêchera peut-être de jouer à Wimbledon.

«J'ai commencé à avoir des douleurs au mollet dès le deuxième tour du tournoi, et j'étais gênée, dit-elle un peu plus tard dans la salle de presse. Mais, au milieu de la première manche contre Schiavone, la douleur est devenue intolérable. À un moment donné, je pouvais à peine marcher.»

Effectivement, pendant le match en quart de finale contre Nadia Petrova, Dementieva avait dû sortir du court pendant une dizaine de minutes et était revenue avec un bandage supplémentaire. Cela semblait plutôt relever de problèmes musculaires mineurs et intermittents. C'était plus grave: «J'ai d'autant plus de regrets, dit encore Elena, la mine défaite, que même avec des problèmes physiques, je gardais toutes mes chances dans cette partie.»

Francesca Schiavone, de son côté, n'a pas boudé sa joie: même si elle n'a gagné que sur abandon, sans avoir vraiment dominé son adversaire - sinon au jeu décisif, alors que Dementieva était très atteinte -, elle a quand même officiellement remporté la première manche par 7 à 6. Et pour la première fois de sa longue carrière, elle se retrouve en finale d'un tournoi du Grand Chelem. C'est même la première fois de l'histoire du tennis qu'une joueuse italienne arrive à ce niveau. Cela valait bien la peine d'embrasser la terre battue de Roland-Garros. Ce qu'elle a fait sous les applaudissements des spectateurs du court central.

Stosur trop forte

La partie qui l'attend demain après-midi en finale du tournoi est une tout autre affaire. Car Samantha Stosur a fait, dans l'autre demi-finale, la démonstration que ses victoires contre Justine Henin puis Serena Williams aux tours précédents ne relevaient pas du hasard. Et c'est une joueuse athlétique, très puissante, très sûre d'elle et en confiance que le public a découverte à l'occasion de son match contre Jelena Jankovic, quatrième mondiale. On s'est du coup rappelé que si Mlle Stosur n'avait pas beaucoup fait parler d'elle entre 2002 et 2009 en simple, elle avait tout de même récolté deux titres de championne et quatre finales en double.

Cette demi-finale fut une véritable exécution. Il a fallu très exactement 60 minutes à l'Australienne pour balayer la Serbe sur le score sans appel de 6-1 et 6-2. Stosur a beau ne mesurer que 1 mètre 73, elle dispose d'un service particulièrement redoutable et d'un coup droit très puissant, comparables à ceux des plus grandes joueuses. Avec 6 as en 12 jeux et bien davantage de premiers services gagnants, Stosur a littéralement démoralisé Jankovic.

Et les commentateurs ne donnent pas cher de la peau de Schiavone. Sauf énième coup de théâtre, bien sûr.