Demi-finaliste aux Internationaux des États-Unis, encore favori pour enlever un sixième titre consécutif demain à New York, Roger Federer n'a plus rien à prouver. Alors qu'il semble évoluer dans un autre monde, on a l'impression qu'il chasse maintenant des rêves connus de lui seul.

Roger Federer est désormais seul au sommet du palmarès du tennis masculin. Sa classe, son talent, son intelligence du jeu suscitent l'admiration de tous, même de ses rivaux.

 

Pete Sampras, qui partageait le record de 15 titres majeurs avec Federer jusqu'à Wimbledon, cet été, a déclaré à Londres : « Son jeu ne semble nécessiter aucun effort. Sur le court, il ne donne pas l'impression d'avoir à travailler. Il joue au plus haut niveau avec une réelle facilité. «

Rod Laver, le seul qui puisse disputer à Federer le titre de « meilleur joueur de tous les temps « (il a remporté deux fois les quatre tournois du Grand Chelem la même année), est également fasciné par le jeu de son successeur.

« Les amateurs n'ont qu'à suivre ses pieds, pas la balle, pour comprendre quel grand joueur il est, a expliqué Laver à Wimbledon. Je m'émerveille de le voir frapper des demi-volées de la ligne de fond, apparemment sans effort. Comment y arrive-t-il ? Je n'en ai aucune idée. Tenter d'analyser son jeu est difficile parce qu'il est tellement varié, tellement complexe. Son sens de l'anticipation est phénoménal. «

Le romancier américain David Foster Wallace, un mordu de tennis, a écrit en 2006 un essai pour le New York Times Magazine. Trois ans plus tard, ses propos gardent toute leur pertinence. Foster Wallace s'intéresse surtout à la beauté de Federer, une qualité qui transcende ses atouts techniques et qui est bien davantage que leur somme.

Mystère et métaphysique

Comme l'explique le romancier, la beauté n'est pas le but premier du sport de compétition, mais il faut reconnaître que le sport de haut niveau est l'un des théâtres les plus propices à l'expression de la beauté humaine.

« Il y a plusieurs sortes d'explications de la beauté de Federer, écrit Foster Wallace. L'une d'elles implique le mystère, la métaphysique et est, selon moi, la plus près de la vérité.

« Cette explication métaphysique implique que Roger Federer est l'un des très rares athlètes «surnaturels» qui semblent échapper à certaines lois de la physique. Comme Michael Jordan, qui restait dans les airs plus longtemps que la gravité n'aurait dû le lui permettre, ou comme Muhammad Ali, qui flottait vraiment dans le ring et réussissait à placer deux ou trois jabs pendant que les autres n'en plaçaient qu'un.

« On peut nommer une demi-douzaine d'autres exemples depuis 1960. Et Federer est l'un d'eux - un être que certains appellent génie, ou mutant, ou extraterrestre. Il ne semble jamais bousculé ou hors d'équilibre. La balle s'approche de lui avec un temps de retard. Ses mouvements sont aussi élégants qu'athlétiques.

« Comme Ali, Jordan, Maradona ou Gretzky, sa substance est différente de celle des athlètes auxquels il fait face. Tout particulièrement dans les tenues blanches que Wimbledon s'amuse encore à exiger, Federer apparaît comme ce qu'il est (enfin, c'est ce que je crois) : une créature dont le corps est à la fois chair et lumière. «

La beauté comme inspiration

La beauté de Federer, toute inaccessible qu'elle soit, n'en est pas moins l'inspiration d'une véritable « ré-évolution « du tennis masculin.

Alors qu'on a assisté depuis une vingtaine d'années à la domination d'un tennis basé sur la puissance et la vitesse du fond du terrain, l'ascension de Federer montre que cette forme de jeu n'exclut pas la finesse et la subtilité.

Alors que plusieurs craignaient que le tennis masculin soit désormais figé dans sa forme « définitive «, le jeu du Suisse laisse imaginer mille possibilités d'invention. Federer montre que force et vitesse n'offrent qu'une base sur laquelle on doit bâtir un jeu complet.

La semaine dernière, aux Internationaux juniors de Repentigny, les matchs de simple masculin ressemblaient parfois à des ballets ou à des parties d'échecs, avec des amortis, des lobs, des changements de vitesse au service, des « passings « « planifiés trois coups à l'avance, sans oublier bien sûr les gros coups droits liftés.

Grâce à Roger Federer, l'avenir du tennis est imprévisible. En ce sens, la beauté de Federer n'est pas différente de celle de son copain Tiger Woods, un autre « extraterrestre « qui a réinventé son sport.

Quand il est arrivé sur le circuit de la PGA, plusieurs ont craint que Woods ne transforme le golf en une course à la puissance. Ses coups de départ de 350 verges ont effectivement forcé plusieurs parcours - et les institutions qui les géraient - à se moderniser.

Mais c'est quand il improvise, quand il réussit à transformer une situation impossible en un coup miraculeux, que Woods nous fait redécouvrir la beauté du golf... et la sienne.

Que deux des plus grands athlètes du monde soient également les plus beaux n'est-il pas réconfortant quant à cette époque ?

L'essai de David Foster Wallace sur Roger Federer, « Federer as Religious Experience «, est disponible sur le site du New York Times.

 

Sabourin, ClémentLa pluie fait des siennes à new york

La pluie tombée en continue hier à New York a chamboulé le programme des Internationaux des États-Unis, entraînant l'annulation de tous les matchs de la journée et le report de demain à lundi de la finale messieurs. L'Espagnol Rafael Nadal (3e) et le Chilien Fernando Gonzalez (11e) reviendront aujourd'hui, à midi, afin de disputer la suite de leur quart de finale entamé jeudi soir mais interrompu par la pluie. Nadal menait 7-6 (7/4), 6-6 (3/2) après 2 h 03 de jeu. Viendra ensuite la première demi-finale dames, entre Yanina Wickmayer et Caroline Wozniacki. Le match entre Kim Clijsters et Serena Williams est quant à lui déplacé ce soir à 20 h. Le « super saturday « aura donc lieu demain, avec à partir de midi la première demi-finale messieurs entre Roger Federer et Novak Djokovic puis dans la foulée celle opposant le vainqueur de Nadal-Gonzalez à l'Argentin Juan Martin del Potro, avant que ne se déroule la finale dames en soirée. AFP