Le 28 juin 1998, Mick Foley est entré dans la légende du monde de la lutte.

Ce soir-là, à Pittsburgh, il s'est avancé vers la monstrueuse structure d'acier appelée Hell in a Cell, avec une idée en tête: survivre à la cascade de toutes les cascades.

Plutôt que d'entrer à l'intérieur de la cage, il invite plutôt son adversaire, The Undertaker, sur le sommet de celle-ci. Quelques minutes plus tard, il est projeté plus de 20 pi en bas, sur une table, et il vient de créer l'image la plus vue, et la plus brutale, de l'histoire de la lutte professionnelle.

Foley s'est disloqué l'épaule au moment de la chute et le médecin de la WWE, ainsi que son ami proche Terry Funk, volent à son secours. On apprendra plus tard que l'Undertaker lui-même s'était opposé à l'idée, mais avait fini par accepter.

Mais Foley refuse de quitter le ring. Même qu'il se lève de la civière et retourne sur le sommet de la cage. C'est là que l'Undertaker lui applique un «chokeslam» et qu'il passe carrément au travers du plafond de la cage, ce qui n'était pas au scénario. Il atterrit durement sur le ring et perd presque connaissance. Une dent se disloque et se retrouve dans sa narine. Il trouve quand même l'énergie pour sourire à la caméra, une image devenue iconique, et terminer le combat.

C'est à ce moment que le commentateur Jim Ross lance son célèbre: «Good God! Will somebody stop the damn match? Enough is enough!» (Grand Dieu, que quelqu'un arrête ce match. Assez, c'est assez!)

«Je me suis retrouvé face à face avec ma propre mort, explique Foley, très sérieusement, au téléphone. Je croyais que j'étais indestructible. J'ai commencé à alléger le personnage, qui était très intense, et à intégrer beaucoup plus d'humour dans ma manière de le vivre.»

Vingt ans plus tard, Mick Foley, maintenant âgé de 53 ans et à la retraite depuis plusieurs années, part en tournée. C'est une décision qui ne nous étonne pas, car Foley a toujours été excellent conteur. Il sera à Montréal ce soir, au Comedy Nest, pour revivre à sa manière cette soirée qui a façonné la lutte. Mais ne vous attendez pas à avoir pour l'instant plus d'anecdotes croustillantes sur ce match. 

«Les gens devront payer pour en entendre plus», dit Foley en riant. 

Tout de même, il admet que ce combat a changé quelque chose en lui. Ce combat, ainsi qu'un autre, disputé sept mois plus tard, au cours duquel The Rock lui administre 11 coups de chaise à la tête tandis qu'il est menotté et incapable de se protéger. Loin de lui l'idée de blâmer The Rock d'avoir été trop zélé, il juge plutôt que c'est un dérapage qui peut arriver lorsque deux lutteurs sont à ce point investis dans leur personnage.

Mais sa famille, elle, en a eu assez. On peut d'ailleurs voir dans le poignant documentaire Beyond the Mat sa femme et ses enfants qui quittent l'aréna plutôt que de voir Foley recevoir un coup de chaise de plus.

«Mes enfants étaient jeunes en 1998. Ils avaient 6 ans et 4 ans. Ils ont eu de la difficulté à regarder ça. Il y a aussi ce match de janvier 1999 avec The Rock. Ils pensaient ensuite que chacun de mes matchs était aussi brutal. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai quitté le métier de lutteur à temps plein en 2000, je ne voulais plus inquiéter ma famille à ce point. J'ai arrêté alors que j'étais encore très populaire. Il me restait certainement quelques bonnes années.»

Foley a ensuite lutté moins fréquemment durant plusieurs années, à la WWE puis dans une fédération rivale, la TNA, avant d'occuper différents rôles à la télévision, mais hors des rings.

Cette carrière a aussi laissé des traces sur l'homme. Il a dû faire remplacer sa hanche droite et son genou droit l'an dernier. Il dit aussi regretter certaines des cascades de ses débuts, accomplies devant de trop petites foules. Il aurait dû à ce moment, selon lui, penser au portrait global (le fameux «big picture») plutôt qu'au moment présent.

«Aux yeux d'une personne normale qui prendrait possession de mon corps pour une journée, je vis une perpétuelle douleur extrême. Cela dit, en plus des opérations, j'ai aussi perdu 80 lb au cours des deux dernières années. Je me déplace donc beaucoup plus facilement qu'avant. Comparé au passé, je vais donc plutôt bien. »

De bons mots pour Kevin Owens

Un autre lutteur a tenté récemment de reproduire la cascade légendaire, le Québécois Kevin Owens. Il a été projeté du sommet de la cage, une quinzaine de pieds plus bas, sur une table, par le «monstre parmi les hommes» Braun Strowman.

Foley a immédiatement communiqué avec Owens par message texte. Le Québécois a reconnu, sans surprise, que Foley avait été son inspiration pour cette chute. Pour le vétéran de la lutte, Owens est l'un des meilleurs «méchants» de la WWE et il ne tarit pas d'éloges à son endroit.

«Il transforme chaque moment en quelque chose de spécial. Je crois qu'il sera l'un des méchants principaux pour encore longtemps. Il a le talent pour constamment se réinventer. Il est capable d'être drôle, il est capable d'être sérieux, il peut avoir de bons matchs avec n'importe qui. La WWE peut faire appel à lui à n'importe quel moment. Ils savent ce qu'ils ont sous la main et il aura une autre occasion d'être au sommet.»

Pour l'instant, malgré son brio dans le ring, Owens se retrouve coincé dans des rivalités secondaires, 18 mois après avoir perdu le prestigieux titre universel. Mais si on en croit le lutteur devenu comédien, ce n'est qu'une question de temps...

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Mick Foley sur...

Son combat préféré

«En 2004, à Edmonton, contre Randy Orton à Backlash [un combat brutal au cours duquel Orton tombe dos en premier sur une mer de punaises]. Les fans ont changé leur perception de lui en une seule soirée. C'est le travail d'un vétéran de rendre les autres lutteurs encore plus importants pour l'entreprise.»

«This Is Your Life» avec The Rock 

C'est l'un des moments qui ont obtenu la plus grande cote d'écoute de l'histoire de la WWE. «Il n'y avait aucun texte. Il y avait de grandes lignes. Nous avions quelques acteurs de la Caroline du Nord. Je leur ai dit que j'allais les inviter sur le ring, que The Rock allait les insulter puis qu'ils pourraient s'en aller. Nous n'avons jamais répété le dialogue. Nous avions entre 12 et 14 minutes pour le segment. Ça a pris 26 minutes. M. McMahon [le propriétaire de la WWE] était en furie. Nous avons largement contribué au fait que les émissions sont maintenant beaucoup mieux structurées aujourd'hui.»

Triple H et les punaises

Durant ce combat, il a subi la prise de finition de Triple H, le Pedigree, tête première sur des punaises. «Ça a fait aussi mal que ça en a l'air. M. McMahon m'avait expressément demandé de ne pas le faire. Mais je sentais que c'était la bonne chose à faire, subir le Pedigree puis demander pardon. Il est si fier de notre combat qu'il a laissé passer.»

«Directeur général» de Raw

«J'ai aimé ça, mais j'avais de la difficulté à voyager en raison de mon genou. J'avais mal sans cesse. Je ne pouvais pas vraiment en profiter. Mais je suis fier de quelques trucs que j'ai accomplis, j'ai aimé travailler avec Stephanie McMahon [fille de M. McMahon].»