L'histoire est désormais bien connue. En 2007, Marc Ramsay recrutait un jeune Eleider Álvarez et lui promettait de faire de lui un champion du monde.

Aujourd'hui, ne reste plus qu'un dernier obstacle pour réaliser cette promesse, mais non le moindre. Il s'agit de Sergey Kovalev, redoutable boxeur russe qu'un seul combattant a défait chez les professionnels: un certain Andre Ward.

«Un des plus durs cogneurs de sa génération. C'est tout un défi pour Eleider», lance le promoteur Yvon Michel d'entrée de jeu, lors de l'entraînement public d'Álvarez, hier, au gymnase Sherbatov.

C'est le 4 août prochain, au Hard Rock Hotel and Casino d'Atlantic City, qu'Álvarez tentera d'arracher à Kovalev le titre WBO des mi-lourds. Une chance de devenir champion du monde, mais aussi une occasion de se faire un nom aux quatre coins de la planète. Car de ses 23 combats professionnels, Álvarez (23-0-0, 11 K.-O.) en a livré un seul aux États-Unis. C'était à Chicago, en 2015, en sous-carte d'un gala qui comptait deux combats de championnat du monde.

Cette fois, le Québécois d'adoption se battra non seulement devant le public d'Atlantic City, mais aussi en direct à HBO.

«Les gens au Québec me connaissent, mais je veux montrer au monde qui est Eleider Álvarez. Je suis aspirant obligatoire. Ça fait trois, quatre ans que je suis dans le top 10 au monde, mais personne ne me connaît à l'international», a-t-il rappelé, dans un français qui s'améliore de mois en mois.

Revoici Kovalev

Álvarez ne débarquera assurément pas au New Jersey en tant que grand favori. Pour s'en convaincre, il suffit d'écouter Bernard Barré, éternel optimiste, rappeler qu'«indépendamment du résultat, [Álvarez] doit faire une bonne performance». Après tout, ce sera une première expérience en championnat du monde pour le pugiliste de 34 ans. Il n'a pas boxé depuis bientôt 14 mois, et ses deux derniers rivaux, Jean Pascal et Lucian Bute, n'étaient pas exactement au zénith de leur carrière.

Il y a cela, et il y a le fait que Kovalev (32-2-1, 28 K.-O.) est une grosse pointure. L'entraîneur d'Álvarez, Marc Ramsay, le sait trop bien, puisqu'il était dans le coin de Pascal lors de la première de ses deux défaites contre Kovalev.

«Je commence à connaître pas mal Kovalev, lance Ramsay en riant. Tout un camp avec Jean, et 10 semaines avec Álvarez. Mais il faut faire attention. J'ai un boxeur différent entre les mains, et Kovalev est un boxeur différent de celui qu'il était à l'époque. Ni pire ni meilleur, mais différent d'un point de vue mécanique. Bien sûr, j'ai des informations, mais il faut faire attention avec ça.»

Ramsay a aussi vu Kovalev en personne lors de son dernier combat, au Madison Square Garden. Il souhaite que ces expériences l'aident à mieux préparer son poulain.

«Regarder Jaws à la télévision et se baigner avec lui, ce sont deux choses différentes! illustre-t-il. C'est un peu le même principe en boxe. J'aime voir les boxeurs en direct. Ça me donne une mesure plus précise de ce qu'ils représentent comme défi.

« Il y a quelque chose à aller chercher dans la douleur, l'expression faciale, le langage corporel. Aussi, à la télévision, on a un seul angle de vue. En personne, on voit beaucoup plus de détails, et au niveau où Eleider est rendu, on ne peut pas laisser passer ces détails.»

La route vers Atlantic City passait par Bogotá

Le Québec a beau être la terre d'adoption d'Álvarez, sa Colombie natale n'est jamais bien loin dans son coeur. C'est pourquoi il a décidé d'y tenir son camp préparatoire de quelque trois semaines, du 21 juin au 14 juillet.

D'abord, les raisons techniques. Bogotá, capitale de la Colombie, est située à plus de 2600 m en altitude, ce qui a permis à Álvarez de pousser son corps au maximum. «Le transport d'oxygène dans les muscles est beaucoup plus rapide, donc la récupération est plus rapide, ça retarde l'entrée de l'acide lactique dans le muscle», explique Ramsay.

«Il y a un centre d'entraînement en altitude pour tous les sports olympiques. On avait accès à tout ce qui est physio, docteur, à l'équipe nationale de boxe amateur de Colombie. C'était un environnement parfait pour un camp.»

Ensuite, il y a les raisons humaines. Après les frustrantes négociations avec le clan d'Adonis Stevenson pour un combat de championnat, Álvarez ne pouvait pas risquer de rentrer à la maison sans savoir à quoi allait ressembler son emploi du temps. Il n'avait donc pas vu sa famille depuis plus d'un an.

«Je voulais voir ma famille. Je l'ai vue pendant mes cinq premiers jours là-bas, explique Álvarez. Ensuite, pour le camp, je voulais être en altitude. Je voulais être dans mon pays, parler ma langue, voir des gens que je n'avais pas vus depuis longtemps. Il y a aussi l'équipe nationale de boxe de Colombie, mes anciens partenaires sont là, donc c'était agréable. Ça fait longtemps que je dis à Marc que si j'ai un combat de championnat du monde, je veux faire mon camp à Bogotá.

«Je ne sais pas si c'est la meilleure préparation possible, mais ma motivation, le combat qui arrive, que j'attends depuis si longtemps, on mélange tout ça et c'est incroyable à quel point je me sens bien.»

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Marc Ramsay, l'entraîneur d'Eleider Álvarez