Il y a quelque chose de fascinant dans le combat entre Simon Kean et Adam Braidwood. Plus que l'aspect sportif du choc des poids lourds, c'est sa construction qui est captivante. C'est pour cette raison que le Centre Gervais Auto de Shawinigan sera rempli. C'est pour cette raison qu'on attend d'intéressantes recettes à la télé payante.

On dirait, à plusieurs égards, un scénario de film. Et on veut savoir comment il se terminera, samedi.

Il suffit de regarder l'origine du combat. Le soir même où Braidwood a surpris la planète boxe en assommant Éric Martel, sans élégance aucune, Kean l'a pris en chasse. Kean voulait croiser Braidwood dans un ring, un jour ou l'autre, pour venger son ami. Il aura dû attendre 16 mois avant le grand jour.

Le lendemain du combat contre Martel, le promoteur Camille Estephan appelait le clan Braidwood. Kean, lui, lançait la première d'une série de salves sur les réseaux sociaux. Braidwood n'a pas oublié ce moment.

«Il a dit qu'il était si bon que je ne pourrais même pas toucher ses gants. Ça m'a écoeuré. Il ne me respectait pas. Je veux lui donner une leçon. Simon est talentueux, c'est le numéro un au Canada, mais je suis un vrai. Simon dit que j'ai peur, qu'il va me torturer. C'est faux. Il n'a jamais torturé personne. Moi, j'ai été torturé pour vrai. Quand on me regarde et qu'on me dit des choses comme ça, je sais si tu es sérieux, parce que ça m'est arrivé.»

Les mots exacts de Simon Kean, le mois dernier en conférence de presse, ont été: «Je veux torturer Braidwood pendant 12 longs et pénibles rounds, puis l'envoyer au tapis à la toute fin.»

C'est l'une des autres particularités de ce combat. Avec cette histoire de torture, Braidwood dit la vérité. L'ancien premier choix au total dans la LCF en 2006 s'est retrouvé dans les problèmes jusqu'au cou en raison d'une dépendance aux antidouleurs et des moyens qu'il a dû prendre pour continuer à s'en procurer. Il a aussi passé deux ans en prison pour une histoire d'agression sexuelle et d'entreposage négligent d'une arme à feu. Il a travaillé fort pour remettre sa vie en ordre, grâce à la boxe.

«Quand on dit que j'ai peur d'affronter Kean, as-tu déjà eu à te battre pour ta vie? a demandé Braidwood. As-tu déjà eu 20 gars qui voulaient ta peau? À ce moment, tu connais vraiment la peur. Des gens qui me tirent dessus, qui essaient de me poignarder, de me kidnapper. Dans le ring, je suis heureux qu'il y ait une seule personne contre moi. Ajoutez un .45 dans le ring et je vais commencer à être nerveux.»

Kean trouve peu de sympathie dans l'histoire de rédemption de son adversaire. Lui-même a fait de la prison, pour lésions corporelles et menace de mort. C'était la chute libre il y a quelques années pour cet ancien boxeur olympique à succès. Il s'est relevé, lui aussi, grâce à la boxe professionnelle.

«Je veux faire taire les critiques qui pensent que je vais perdre. Qui croient que parce qu'il l'a eue difficile, ça fait de lui un meilleur boxeur. Je n'ai pas bâti ma carrière dans la ouate. Je ne suis pas obligé de remettre ça à la surface pour me faire valoir. Je montre les choses bien de ma vie, pas les bêtises.»

Se détestent-ils vraiment?

Récapitulons le scénario de film. On a l'élément déclencheur, puis on a le passé trouble des protagonistes. Il reste l'intrigue, et elle ne manque pas.

Quand la promotrice de Braidwood, Melanie Lubovac, a accepté le combat, elle demandait un an de délai et deux combats de préparation. C'était la condition imposée par l'entraîneur du boxeur, Richard LeStage, pour transformer son poulain.

«J'ai ri en regardant le combat contre Martel, a reconnu l'entraîneur. Je comprends que Simon ait regardé ce combat et cru que c'était une blague. Mais ce n'est plus ce gars dans le ring. Simon devra être au sommet simplement pour survivre.»

Pendant cette année, Braidwood a battu notamment José Manuel Paez par K.-O. au premier round, au Casino de Montréal. Le compte à peine terminé, il invitait Kean, assis dans la foule, à monter sur le ring. Estephan s'est placé entre les deux hommes, qui se sont nargués.

Pour le promoteur, c'est un rêve de travailler avec deux boxeurs qui comprennent les rudiments de la mise en marché. Il demande seulement que le sentiment soit authentique. «Ce sont deux gars qui ne s'aiment pas. Ils convoitent la même chose. Celui qui va gagner a beaucoup devant lui: argent, classement, notoriété.»

«Faut ramener ça au plus simple, a dit Kean au sujet de la tension autour du combat. C'est comme quand tu es jeune à l'école. On se crie des bêtises, puis on va se battre à la récréation. C'est la même affaire, c'est juste que c'est dans un ring. Je sais que je vais livrer la performance, lui, je ne sais pas.»

«Il me tape sur les nerfs par sa manière d'agir, a reconnu Braidwood. On me dit qu'il est arrogant, qu'il n'est pas gentil avec les gens, qu'il est hypocrite. Ça me fait vouloir le frapper un peu plus fort. Même si je l'avais aimé, il est dans mon chemin. Il a ce que je veux et je vais tout faire pour aller le chercher.»

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Fiche de Simon Kean

Âge: 29 ans

Lieu de naissance: Trois-Rivières

Fiche: 14-0-0 (13 K.-O.)

Rang au Canada chez les lourds (selon Boxrec): 1er

Rang mondial chez les lourds (selon Boxrec): 37e

Titre entre ses mains: IBO intercontinental

Titre à l'enjeu: WBC de la francophonie (vacant)

Aux Jeux olympiques: 5e en 2012

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Fiche d'Adam Braidwood

Âge: 34 ans

Lieu de naissance: Delta, Colombie-Britannique

Fiche: 13-1-0 (12 K.-O.)

Rang au Canada chez les lourds (selon Boxrec): 4e

Rand mondial chez les lourds (selon Boxrec): 65e

Dans la LCF: Premier choix au total en 2006 par les Eskimos d'Edmonton, a raté les saisons 2008 et 2009 en raison d'une blessure à un genou, a joué 46 matchs comme plaqueur défensif.

Université: avec Washington State, a participé en 2003 au Holiday Bowl et au Rose Bowl

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Adam Braidwood