La police québécoise de la boxe bâcle ses tests antidopage sur les combattants, ce qui contrarie la volonté de la justice de sévir contre les tricheurs, a appris La Presse.

Dans un cas, un boxeur qui avait des amphétamines dans le sang a pu conserver son permis de combattant parce que son test avait été mal mené.

Trois combattants ont subi des contrôles positifs au Québec en 2017, les premiers depuis de nombreuses années.

Mais dans au moins deux de ces cas, les tests avaient été menés à l'extérieur des limites de temps prévues par le règlement, selon des décisions de la Régie des alcools, des courses et des jeux. C'est ce tribunal administratif qui a le pouvoir de priver les boxeurs et les combattants d'arts martiaux mixtes du permis nécessaire pour combattre.

Le problème: les tests doivent être menés au plus tôt trois heures avant le combat et au plus tard six heures après, soit une fenêtre de neuf heures. Dans les deux cas problématiques, ils ont été menés une trentaine de minutes trop tôt, ce qui les rend invalides. C'est la division des sports de combat de la même Régie qui mène ces tests. Un de ses responsables - chargé d'appliquer la loi - a déclaré sous serment le mois dernier que le respect du règlement n'était pas la priorité, les soirs de combat.

L'Américain Randy Johnson, qui a subi un contrôle positif aux amphétamines après son combat d'octobre dernier au Centre Bell contre la vedette montante Simon Kean, pourra donc continuer à se battre au Québec.

«La seule preuve à l'encontre du titulaire est constituée d'un test de dépistage effectué de façon contraire à la règlementation applicable», a écrit la Régie dans sa décision rendue le mois dernier, donnant raison à M. Johnson même s'il ne s'était même pas présenté à l'audience.



Voie contournée

L'autre test positif bâclé est celui du Québécois d'origine serbe Strahinja Gavrilovic, un combattant d'arts martiaux mixtes dont le sang contenait de la cocaïne pendant son combat de décembre dernier, au Centre Bell, contre le Québécois Marc-André Barriault. «À cause du non-respect de ce délai, la Régie ne pourrait fonder sa décision sur le seul article» du règlement qui prévoit une suspension de permis en cas de test positif.

Dans ce cas, la Régie a tout de même décidé de sévir: un expert est venu confirmer que les résultats du test auraient été sensiblement les mêmes si le test avait été mené à l'intérieur des délais. Les juges administratifs ont utilisé un article de loi plus général, qui oblige les combattants à faire preuve d'«intégrité».

«M. Gavrilovic a donc combattu contre M. Barriault le 8 décembre 2017 alors que de la cocaïne était présente dans son organisme, contrairement à ses obligations légales», a écrit la Régie dans sa décision rendue plus tôt ce mois-ci. «Ce comportement permet de douter grandement de l'intégrité dont fait preuve le titulaire dans l'exercice de son sport.» Il a perdu son permis pour six mois.

«Ça s'est jamais fait dans ce sens-là»

Lors de l'audience tenue dans le dossier de M. Gavrilovic, un responsable des sports de combat à la Régie a candidement avoué qu'il ne se préoccupait pas réellement de respecter les délais imposés par le règlement.

Jean Douville, responsable de manifestations sportives, a indiqué qu'une soirée de gala de boxe comportait trop d'intervenants et n'était pas assez prévisible pour pouvoir obtenir un échantillon d'urine à l'intérieur des neuf heures prévues par le règlement.

«L'inspecteur ne fera pas ses tests par rapport au [délai de] 3 heures ou au [délai de] 6 heures. Ça s'est jamais fait dans ce sens-là, a-t-il témoigné. On ne dirige pas l'événement par rapport au test. Ce serait impossible. C'est la règle du bon sens, selon moi, qui doit primer.»

Par rapport au combat d'arts martiaux mixtes au Centre Bell, M. Douville a affirmé que la Régie n'avait pas de réel contrôle sur la soirée.

«Dans un programme de cette ampleur-là, c'est la télévision qui contrôle pas mal l'ordre des combats et l'horaire», a-t-il ajouté.

L'avocat de Gavrilovic, MJean-Guillaume Blanchette, a utilisé ce témoignage pour tenter de faire relaxer son client. «La Régie, par ce témoignage, a mis en preuve des violations systématiques des droits des individus, alors on plaidait que c'était grave. Mais il semble que ce n'était pas suffisamment grave pour que M. Gravrilovic puisse espérer avoir l'exclusion des éléments de preuve», a-t-il dit en entrevue téléphonique.

Appelée à faire des commentaires au nom de la division des sports de combat de la Régie, la porte-parole Joyce Tremblay a affirmé que les choses allaient changer.

«Soyez assuré que les gens affectés aux sports de combat ont été sensibilisés à cette réalité, a-t-elle indiqué. Depuis ces deux dossiers-là, on a accordé une attention spéciale afin de sensibiliser tout le personnel.»

Mme Tremblay a tenu elle aussi à souligner qu'une soirée de boxe ou de MMA était un événement d'une très grande complexité logistique.

Photo Bernard Brault, Archives La Presse

Strahinja Gavrilovic