Georges St-Pierre ou Michael Bisping? S'ils n'écoutaient que leur coeur, les intervenants sondés par La Presse concéderaient sans hésiter la victoire au Québécois, dont le grand retour aura lieu samedi soir à New York. Mais le changement de division, la confiance affichée par son adversaire et, surtout, sa longue absence de l'octogone pèsent très lourd dans leur réflexion. «Il y a quatre ans, Georges l'aurait mangé tout cru. Maintenant, il reste à voir si c'est le même Georges qu'avant, lance le poids léger de l'UFC, Olivier Aubin-Mercier. Ce sera un combat difficile, mais il a tous les atouts pour gagner.»

La rouille de GSP

D'entrée de jeu, le combattant Jo Vallée, de l'organisation TKO, résume un peu la grande question entourant ce combat. «On ne sait pas comment Georges va sortir après tout ce temps et comment son corps va réagir. En plus, Bisping est au sommet de son art et il est au top dans sa tête.» L'entraîneur de St-Pierre, Firas Zahabi, a minimisé les conséquences d'une telle inactivité en faisant le parallèle avec la pratique du vélo, qui ne se perd jamais. Charles Jourdain, tête d'affiche de l'événement TKO 41, le mois prochain, est d'accord. «Je ne pense pas qu'il sera rouillé, surtout qu'il s'est battu pendant tellement de temps. Il n'a jamais pris sa retraite, il a seulement pris une pause de la compétition. Il a toujours continué d'aller au gym.»

«La rouille, ce n'est pas une question d'être en forme physiquement, c'est une question mentale, nuance Patrick Côté, analyste à RDS et qui sera aux premières loges, demain soir. Il va falloir qu'il trouve ses repères très rapidement, dès le début du combat, parce que Bisping va vraiment lui mettre la pression.»

La taille

«GSP» a donc changé de catégorie en passant des poids mi-moyens aux poids moyens. Bisping, lui, a fait le chemin inverse après un long passage dans la division des mi-lourds. «Georges était déjà un petit 170 livres, tandis que Bisping est un gros 185. Georges va démarrer fort, comme d'habitude, mais plus le combat va avancer, plus ce sera dur pour lui, assure Vallée. En plus, Bisping est une machine à cardio qui n'arrête jamais.» St-Pierre n'a toutefois pas fait la transition en une semaine. Cela fait des mois qu'il prépare son corps à ce changement et qu'il a adapté son entraînement.

«Les gens sont inquiets à cause du poids, mais, par le passé, je l'ai vu malmener des poids moyens et des mi-lourds. En plus, il n'aura pas de poids à couper et il va être très à l'aise», souligne David Loiseau, ex-combattant UFC désormais propriétaire du centre d'entraînement Crow.

Aubin-Mercier est du même avis. «Ça ne m'inquiète pas. Il y a quatre ans, Johny Hendricks était pas mal plus fort [que GSP], il était meilleur en lutte que Bisping et il frappait plus fort que lui.»

La lutte de GSP

Mercredi, Hendricks s'est demandé si St-Pierre pourrait utiliser sa lutte face à un adversaire aussi costaud que Bisping. Réplique de Côté: la lutte de GSP a toujours été basée sur la technique plutôt que sur la force physique. «Est-ce que, malgré son arrêt de quatre ans, il aura encore le timing et la force d'appliquer sa lutte? s'interroge tout de même le poids mi-moyen de l'UFC Steve Bossé. S'il y arrive, ce sera un combat qu'il pourra amener en décision sans trop se faire maganer. Ça, c'est ce que je souhaite, mais je crois que Bisping aura de bons contres défensifs pour ne pas aller au sol.»

Sans surprise, tous les intervenants lui ont déconseillé d'échanger coup pour coup avec l'Anglais. Dans ses derniers combats, St-Pierre a reçu bien plus de coups significatifs que lors de la première partie de sa carrière. «Envoie-lui plusieurs coups de force moyenne, et Georges commence à perdre un peu la structure qui fait de lui ce qu'il est», résume Jourdain.



L'art de la guerre selon Bisping

En moyenne, les combats de Bisping chez les poids moyens ont duré 13 minutes 34 secondes. Trois de ses quatre derniers duels ont aussi atteint la limite. 

«Bisping n'a aucun problème à entrer dans une guerre pendant cinq rounds, précise Côté. Ça va être intéressant de voir si Georges va être capable de suivre le rythme après une telle absence, surtout avec la nouvelle masse musculaire qu'il doit transporter.» Le mot «guerre» revient dans la bouche de plusieurs intervenants pour décrire les combats de Bisping. «The Count» lance beaucoup de coups, mais il en encaisse également énormément. «Son plus grand atout contre Georges, c'est son volume. Il lance tout le temps, et ce ne sont pas des coups très calculés. Ce n'est pas orthodoxe et on dirait que lui-même ne sait pas ce qu'il lance», analyse Jourdain. Et si Loiseau avait un plan de match pour GSP contre un tel guerrier? «Être méthodique dans la manière d'échanger des coups et amener le combat au sol quand l'occasion va se présenter. L'occasion va être là parce que Bisping aime y aller pour le K.-O.»

L'état d'esprit

Ces derniers mois, Bisping a fait du Bisping en multipliant les attaques verbales. GSP a été aussi honnête qu'il y a quatre ans en avouant que le stress faisait encore partie de son quotidien. À cela s'ajoutent les énormes attentes que suscite son retour. «Toute la pression est sur lui, même s'il dit le contraire. Chaque fois qu'on parle de ce combat-là, on ne parle quasiment jamais de Bisping, mais du retour de Georges, signale Côté. S'il gagne, on va en parler comme de la victoire de Georges, et si Bisping gagne, on en parlera comme de la défaite de Georges. [Georges] doit prouver qu'il avait raison de revenir après quatre ans même si personne ne comprend pourquoi il le fait.»

Et d'ailleurs, pourquoi jeter son dévolu sur l'Anglais et sur la division des poids moyens? «Tant qu'à revenir, tu veux le faire pour quelque chose qui vaut la peine. J'aurais fait la même chose, répond Bossé. Si tu perds dans une division plus haute et contre le champion, tu as quand même le respect pour y être allé. Mais si tu reviens avec un combat plus simple et si ça ne se passe pas bien, tu reçois tout le blâme. C'est un beau défi, et s'il gagne, il aura marqué l'histoire. Par contre, je n'ai pas aimé son aura dans une entrevue, je n'ai pas senti un gars hyper confiant qui s'en allait vraiment gagner. Non, je n'ai pas aimé ce qu'il dégageait.»

Prédictions

Charles Jourdain - St-Pierre par soumission

Olivier Aubin-Mercier - St-Pierre par décision

Steve Bossé - Bisping par K.-O. technique

Jo Vallée - Bisping par décision

Patrick Côté - Ne se prononce pas

David Loiseau - Ne se prononce pas

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Photo Chris Young, Archives La Presse canadienne

Michael Bisping